« Notre monde » lundi 27 janvier 18h15 et 20h30 en partenariat avec objectif suds

Luàna Bajrami (2025) Kosovo 1h25 Avec Albina Krasniqi, Elsa Mala, Aurora Ferati

2007 Kosovo,à la veille de l’indépendance, Zoé et Volta quittent leur village reculé pour intégrer l’université de Pristina, désireuses de s’épanouir, elles se heurtent à un contexte social délétère

Un film joyeusement puissant porté par le jeu lumineux de ses jeunes actrices

Au-delà des souffrances et des désillusions, d’un appel criant pour qu’on octroie à ses jeunes héroïnes un tant soit peu de considération, Luàna Bajrami nous montre également une jeunesse animée d’un grand élan d’espoir et qui désire continuer le combat. Cette jeunesse est bel et bien frustrée et muselée mais reste solidaire et déploie une telle énergie ! Filmés au plus près, les émotions et questionnements qui traversent Zoé et Volta (interprétées par deux magnifiques actrices) nous transpercent et nous interrogent sur nous-mêmes tout en nous rappelant les sensations qui nous animaient à l’aube de nos vingt ans, peu importe qu’ils soient plus ou moins lointains…utopia

Luàna Bajrami qui n’a que vingt-trois ans réalise son deuxième film. Le long-métrage fait resurgir le souvenir d’une guerre encore vive dans les mémoires, qui a fracturé l’Europe de l’Est. On évoque beaucoup et à juste titre la question de l’Ukraine, au risque d’oublier que les tensions dans l’ex-Yougoslavie ne sont pas vraiment éteintes et qu’elles pourraient de nouveau se réveiller. La réalisatrice parle d’une jeunesse désemparée, qui cherche par tous les moyens à trouver une issue à un avenir bloqué par l’absence d’infrastructures dignes de ce nom, de moyens dévolus à l’université et de travail. Tout est bon pour s’en sortir . En même temps, la réalisatrice parle d’un monde musulman, en plein renouveau, peu soucieux de religiosité, mais surtout d’émancipation de sa jeunesse et de ses femmes. Les deux jeunes femmes incarnent ce combat pour un au-delà et un ailleurs qu’elles espèrent trouver au milieu des ruines laissées par la guerre civile. Avoir Alire

La réalisatrice

Luàna Bajrami née en 2001. A 7 ans au Kosovo que sa famille quitte en 2008 pour s’installer en France. Très jeune, elle passe des castings. A 10 ans, elle obtient un petit rôle dans un téléfilm, Le choix d’Adèle, où elle donne la réplique à Miou-Miou.

Quelques années plus tard, l’adolescente revient sur le petit écran et incarne le rôle principal du téléfilm Marion, 13 ans pour toujours, en 2016. Ce rôle dramatique adapté d’une histoire vraie, elle joue une adolescente victime de harcèlement scolaire qui met fin à ses jours, lui vaut de se faire remarquer.

En 2018, Luàna Bajrami obtient son premier rôle au cinéma dans le film de Sébastien Marnier, L’heure de la sortie, dans lequel elle donne la réplique à Laurent Laffite. Très sollicitée, Luàna Bajrami, enchaîne les tournages au cinéma et à la télévision ; remarquée dans Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, ; elle côtoie Catherine Deneuve et Emmanuelle Bercot dans Fête de famille de Cédric Kahn. Elle enchaine les tournages avant de passer à la réalisation en 2021 avec La Colline où rugissent les lionnes où dans un village du Kosovo trois jeunes filles, corsetées par le patriarcat crient leur désir de liberté

L’interview

Après “La Colline où rugissent les lionnes”, la cinéaste et actrice de 23 ans confirme son talent. Avec ce deuxième long métrage, elle capte les désillusions de deux amies tiraillées entre leurs rêves d’émancipation et la violence d’État.

“Inutile de rêver, l’Occident ne va pas arriver pour tout régler. Ne vous bercez pas d’illusions.” Sur les images d’un vieux caméscope, les mots issus d’un discours politique viennent rompre la joie complice de deux fillettes. Le plan suivant les transforme en deux jeunes femmes de fiction, l’une en rose, l’autre en bleu, code couleur binaire comme pour jouer malicieusement de leurs différences et complémentarité. Nous sommes dans un village reculé du Kosovo, en 2007, pays d’origine de la cinéaste et actrice Luàna Bajrami qui y a vécu jusqu’à ses 7 ans.

Avec Notre monde, vous explorez la jeunesse. Un thème que vous évoquiez déjà dans votre premier long-métrage, La Colline où rugissent les lionnes.

Je voulais continuer de raconter la jeunesse de manière large et universelle. Le premier film parle de départ, le second aussi. Cette fois-ci, j’avais envie d’être plus ancrée dans une réalité donc le film se passe au Kosovo, en 2007. Il raconte cette période un peu méconnue du pays. Un sujet tellement riche et intarissable. Pendant le confinement, je suis tombée sur des cassettes appartenant à ma famille. Ces images représentent plus de 30 ans d’archives familiales ! Ça m’a beaucoup inspirée.

Vos protagonistes sont deux amies fusionnelles et en même temps très différentes l’une de l’autre. Comment les avez-vous imaginées ?

C’est assez difficile à expliquer car ce sont deux personnages qui apparaissent puis qui se définissent par eux-mêmes. J’ai l’impression de les rencontrer. J’avais envie d’appuyer cette idée d’avoir deux prismes différents sur la jeunesse, deux réactions différentes à une même situation. Elles se confrontent à une réalité mais aussi l’une à l’autre. Cet amour fraternel à l’épreuve de la vie, c’est tout le propos du film.

Vous tissez l’émancipation féminine comme le fil rouge de votre carrière.

C’est vrai que j’ai eu la chance de rencontrer des metteurs en scène géniaux avec des histoires fortes, et lourdes de sens, qui racontent beaucoup de notre société, quelque soit l’époque dans laquelle s’inscrit le film. Finalement, c’est une manière de documenter la réalité. C’est ce qui me passionne. Lorsque je rencontre un projet, il faut d’abord qu’il me parle en tant que spectatrice. Dans mon cinéma, pour l’instant, j’ai envie de parler de comment on casse les carcans dans lesquels on évolue pour se construire. Tout part de là, donc effectivement il y a une certaine cohérence pour le moment dans tout ce que j’ai fait. Ça parle de moi, tout simplement.