Antonio Pietrangelli (1961) Italie 1h45 avec Simone Signoret, Marcello Mastroianni, Sandra Milo, Emmanuelle Riva..
Après la fermeture de leur maison close, quatre prostituées désirent ouvrir un restaurant. Mais pour mener à bien leur entreprise, elles ont besoin de diverses autorisations et …..
Ce film est une savoureuse madeleine dont le goût se situe quelque part entre le drame néo-réaliste et la comédie italienne et dont le féminisme sensible revêt aujourd’hui un caractère quasi-prophétique. »

Pietrangeli dénonce une réalité douloureuse, problématique que connaissent son pays et une partie de sa population. C’est ce qui fait qu’on le relie généralement, en partie, au courant néo-réaliste. Mais à personne n’échappe sa dimension de comédie : certaines situations sont piquantes, plusieurs personnages hauts en couleur – comme l’escroc Piero Silvagni (Marcello Mastroianni) ou le bon Frère Michele -, et les discussions souvent menées sur un mode caustique, humoristique.Enrique SEKNADJE
la prostitution apparaît comme le plus clair résumé des rapports de classe et de sexe dans une société capitaliste et puritaine où hypocrisie morale et exploitation économique vont de pair. Derrière la difficile émancipation de ces femmes et les obstacles auxquels se confronte leur révolte, c’est bien sûr toute la condition féminine de l’époque qui est remise en cause avec insolence.
Adua et ses compagnes vaut aussi pour son tempo particulier, sa manière de prendre son temps, propre aux autres films de Pietrangeli qu’on a pu voir. Le cinéaste sait mettre le drame de côté pour ménager des pauses et des lignes de fuite dans le récit autant que dans la vie de ses personnages. Sa mise en scène est élégamment discrète, il privilégie les plans longs, épousant le rythme nonchalant de la vie avant que le tragique resurgisse parfois brutalement. Un charme évident se dégage de ce film baigné de soleil et imprégné par son époque, notamment à travers ses musiques et son formidable casting : Simone Signoret, Sandra Milo, Emmanuelle Riva (dans un parfait contre-emploi de pute volubile), Marcello Mastroianni… Mais il est aussi traversé par une violence sourde, toujours aussi saisissante. Marcos Uzal
Imprégnée d’une esthétique néoréaliste, la mise en scène s’attache à décrire sans fioriture la dureté du quotidien de ses personnages féminins. Magnifiés par une belle photographie toute en contrastes noirs et blancs, les décors offrent une représentation saisissante de l’Italie populaire d’après-guerre, inégale face au miracle économique qui se dessine après des années de privation
Le réalisateur

Antonio Pietrangeli, qui est né en 1919, a exercé quelque temps en tant que médecin, avant de se tourner vers le cinéma. Il commence par la critique, au début des années quarante. et collabore à de nombreuses revues de cinéma
. Il est de ceux qui, par leurs textes, annoncent et préparent le Néo-réalisme.
En 1942, Pietrangeli entame une carrière de scénariste et co-scénariste : il travaille d’abord pour Visconti, sur Ossessione (1942). Puis sur La Terre tremble (1948). Ses collaborations sont nombreuses et s’étendent jusqu’en 1961. Il a l’occasion de participer à l’élaboration de deux films de Rossellini : Europe ’51 (1952) et Où est la liberté ? (1954).
Il se lance dans la réalisation en 1953, avec Du Soleil dans les yeux (1953). Il met en scène 11 longs métrages et deux films à sketches réalisés par plusieurs cinéastes. En fait, il ne peut terminer son dernier film, car il se noie accidentellement durant le tournage, en 1968.
À travers plusieurs de ses œuvres, Adua et ses compagnes (1960), La Fille de Parme (1963), Je la connaissais bien (1965), Petrangeli s’intéresse à la condition de la femme. Il milite filmiquement, en quelque sorte, pour son émancipation. Lui, qui a appartenu au Parti Communiste Italien et qui ne manque pas de glisser un clin d’oeil à cet engagement politique dans Le Soleil dans les yeux.
Une monographie lui a d’ailleurs été consacrée, en Italie, en 2015, qui porte le titre significatif de Antonio Pietrangeli – Le cinéaste qui aimait les femmes (Éd. Sabinae, Rome).