Rubaiyat Hossain (2019) Bangladesh 1h35 Avec:Rikita Shimu, Novera Rahman, Parvin Paru
Shimu, 23 ans, travaille dans une usine textile à Dacca, au Bangladesh. Face à
des conditions de travail de plus en plus dures, elle décide avec ses collègues de
monter un syndicat…..
Ce film social use de la couleur comme d’une arme de combat

Tourné au Bangladesh, dans un quartier pauvre de Dacca, avec une équipe technique essentiellement féminine, le film distille aussi les parfums, les couleurs, les odeurs de cette vie de quartier où les femmes se retrouvent et vivent dans la rue. Il dit aussi la pression de la religion et des coutumes qui imposent le mariage comme seule issue aux destinées féminines. Made in Bangladesh rappelle les films optimistes de Ken Loach, avec l’espoir au bout de l’histoire… utopia
Made in Bangladesh est une œuvre d’autant plus rare qu’elle émane du Bangladesh. Voilà un cinéma ignoré des distributeurs et de la sphère cinématographique en général. Le film rend un hommage admirable à un pays dont la visibilité artistique est très faible. Pour autant, on pressent autour de cette première œuvre un savoir-faire important, à l’image de l’Inde dont l’industrie cinématographique est l’une des plus prolixes au monde. Les comédiens brillent dans cette histoire terrible, et le spectateur ne peut s’empêcher de penser que les rôles qu’ils jouent demeurent sans doute pour eux un exercice pédagogique, étant préservés du destin de ces ouvrières. Il est certain que ce long métrage prend une place toute particulière sur nos écrans, à l’heure où les capitalismes les plus durs commencent à imaginer des modèles économiques plus éthiques et où les femmes affirment de plus en plus le rôle qu’elles ont à jouer en matière d’émancipation sociale et culturelle. Made in Bangladesh est tout aussi dur qu’il est rempli d’espoir. Le titre, si bien choisi, pourrait concerner l’Inde, de nombreux pays d’Afrique, la Chine, etc. On espère simplement qu’au moment de sa sortie cette œuvre changera nos consciences et peut-être, soyons fous, la surface du monde. Laurent Cambon
C’est ce système patriarco-capitaliste contre lequel s’élève Shimu lorsqu’elle décide de monter un syndicat afin de défendre ses droits et ceux de ses collègues.
Car ces femmes arrivent au bout de la chaîne de l’exploitation outrancière de la planète et de ses ressources matérielles et humaines : elles sont les plus petits poissons qui sont avalés successivement par des prédateurs de plus en plus gros.
Opprimées dans leur sphère sociale et familiale, elles sont également écrasées par un système économique globalisé qui profite d’une main d’œuvre très bon marché dans certains pays « en voie de développement ». Shimu est l’une des petites mains invisibles qui fabriquent ce qui se retrouve dans nos grandes surfaces pour notre insatiable consommation.Sarah Belhadi
La réalisatrice: Rubaiyat Hossain

Elle est née en 1981à Dacca. elle effectue des études de réalisation cinématographique à la New York Film Academy dont elle sort en 2002. Ses débuts en tant que cinéaste datent de 2011 avec Meherjaan, un film sur une femme bengali ayant une histoire d’amour avec un soldat pakistanais au cours de la guerre de libération du Bangladesh en 1971. Le film soulève une controverse au Bangladesh et est retiré des salles de cinéma par ses distributeurs. Son film, Les Lauriers-roses rouges, diffusé en 2015 (2017 en France) raconte l’histoire d’une femme, actrice de théâtre, .Made in Bangladesh est son troisième film
Elle a travaillé également, pour des organisations non gouvernementales sur les droits des femmes au Bangladesh
L’interview
Quel a été le point de départ de cette histoire ?
Je m’intéresse depuis longtemps à la condition des femmes. J’ai fait des recherches pendant trois ans,j’ai rencontré beaucoup d’ouvrières, je n’avais aucune connaissance particulière de ce milieu. Je me suis finalement rapprochée d’une femme nommée Daliya, qui a été syndicaliste. Cette femme a été horriblement maltraitée, prisonnière d’un mariage abusif, mais son souhait était de retrouver une forme de dignité. J’ai pu commencer à écrire mon scénario, librement inspiré des vrais événements de sa vie.
Avez-vous tourné dans une véritable usine ? N’est-ce pas dangereux de s’attaquer à un tel sujet dans un
pays où les patrons de l’industrie textile sont si proches du pouvoir politique ?
Nous avons trouvé une usine abandonnée, nous avons loué des machines et recréé entièrement l’endroit. Nous y avons consacré une grande partie du budget ! Il fallait que les machine fonctionnent, et aussi qu’on se procure les accessoires, à la fois pour la section couture, la section repassage, etc. Nous avons aussi engagé de vraies ouvrières. Au Bangladesh, pour faire un film, il faut soumettre le scénario au Film Dvelopment Corporation et obtenir une autorisation. Nous l’avons eue. Ensuite, nous avons fermé le plateau, en réduisant le nombre de visiteurs et sans aucun article dans la presse.
La situation des femmes au Bangladesh semble très paradoxale …
Certes. Le Bangladesh est dirigé par une femme, le chef de l’opposition est une femme, et c’est une femme qui préside l’assemblée. Au sein de l’industrie textile, l’activité qui rapport le plus au pays, 80% de la masse salariale est féminine. La colonne vertébrale économique du pays est garantie par des femmes. Et ces ouvrières travaillent ensemble, ont un grand sens
de la camaraderie. Dans les « gender studies », on apprend qu’un grand pas est déjà franchi si une femme résiste et se bat. Des générations avant nous se sont battues pour l’éducation, et c’est grâce à elles que nous sommes là aujourd’hui : « nous sommes là où nous sommes parce que nous reposons sur les épaules des femmes qui nous ont précédées ». Bien sûr, la vie de Daliya ne sera jamais luxueuse, mais elle avance. Elle n’accepte pas passivement l’oppression sociale et sexuelle qu’on lui impose.