Blandine Lenoir (2016) France 1h29 Avec: Agnès Jaoui, Thibault de Montalembert,
Aurore est séparée, elle vient de perdre son emploi et apprend qu’elle va être grand-mère. Mais une nouvelle vie est-elle possible en retrouvant un amour de jeunesse?
Le ton est savoureux, entre portrait émouvant et fantaisie lumineuse

Mais au fond, ce qui sauve Aurore de sa solitude de cinquantenaire délaissée n’est pas tant le fait de tomber amoureuse que celui de retrouver sa dignité et son éclat, intacts, le surgissement de ses rêves de jeunesse marquant essentiellement le décloisonnement d’une destinée vouée à l’échec social, à l’acceptation résignée des stéréotypes de genre et de génération. Moralité : il n’y a pas d’âge, qu’on soit femme ou homme, pour aimer, pour être heureux, pour se connaître, pour exister. Ce qui fait de cette formidable et joyeusement subversive comédie un film à voir toutes affaires cessantes par tous les garçons et les filles de tous les âges, jeunes, plus vieux, parents, grands-parents, ados… C’est d’ailleurs la rencontre de personnages de toutes générations et la confrontation de leurs expériences diverses et variées qui permettra à Aurore d’apprendre à être en phase avec elle-même. Utopia
L’actrice est constamment filmée telle qu’en elle-même, avec la volupté de son corps arrondi et de ses traits tour à tour familiers et différents ; elle qui a souvent, dans ses propres films et ceux des autres, incarné physiquement la figure de l’intellectuelle, un peu froide, un peu hautaine, se délecte ici de jouer de manière beaucoup plus physique (elle en avait déjà donné un aperçu radieux dans Comme un avion, de Podalydès). Sa volonté manifeste d’incarner de toutes ses forces un personnage populaire, au sens le plus noble qui soit, dans un film tout entier tourné vers les autres, donne à Aurore le goût des retrouvailles avec une vieille amie que l’on regrette d’avoir trop longtemps délaissée.Critikat

La réalisatrice
Blandine Lenoir est actrice et réalisatrice. Elle fait ses débuts en tant que comédienne à l’âge de 15 ans, en jouant la fille du boucher dans Carne en 1991. La comédienne en herbe fait des études de lettres en grandissant. Elle obtient des rôles de plus ou moins grande importance sur grand écran par exemple dans Haut les cœurs de Solveig Anspach en 1999, Sauf le respect que je vous dois en 2005 de Fabienne Godet, ou La Vie Scolaire de Grand corps malade en 2019. À la télévision, l’actrice apparaît dans diverses séries à succès comme Maigret ou Famille d’accueil.
En parallèle de sa carrière de comédienne, Blandine Lenoir développe un gout de la réalisation en occupant différents postes sur des tournages tels que costumière, décoratrice, ou en charge de castings. Elle réalise dès 2000 quelques courts métrages avant d’aborder le long avec Zouzou, dans lequel elle joue, en 2015, puis Aurore en 2017 et en 2022, Annie colère Laure Calamy étant des trois films.
l’interview
Dans ton film, l’épanouissement d’Aurore ne passe pas nécessairement par la construction d’un couple malgré les injonctions de la société et des médias.
B. L. : Le couple n’est en effet absolument pas fantasmé dans le film puisque son ex qui a refait sa vie est épuisé par ses jeunes enfants alors qu’il n’est plus tout jeune. Le couple du dîner chez Mano a l’air de ne plus se supporter et se retrouve au bord de la rupture… On voit bien que le couple n’est pas du tout le but à atteindre, à la différence du sentiment amoureux et de la rencontre de l’autre, quel qu’il soit, qui est davantage mis en valeur.
La société valorise tellement le couple que les célibataires se considèrent comme étant en échec alors que le célibat est peut-être ce qui leur convient réellement. J’ai l’impression que ce qui compte c’est d’être entouré car la solitude est difficile à vivre. Lorsque je vois Aurore et Mano, elles constituent une forme de couple : elles n’ont pas de sexualité ensemble mais elles comptent l’une sur l’autre, elles sont solidaires, elles rient ensemble. Elles forment une sorte de famille reconstituée qui leur convient. Cette histoire d’une homme+une femme+ des enfants comme condition sine qua non pour trouver le bonheur est tout à fait insupportable car elle rend les gens malheureux.
En cela ton film remet en question les modèles sociaux en cours actuellement, en période de crise et de replis sur soi.
B. L. : Le cinéma de femme n’existe pas puisqu’il est la plupart du temps produit par des hommes, les exploitants de salles et les programmateurs de festivals sont également des hommes. Il faut dès lors savoir jouer avec cette réalité. Je n’avais pas forcément envie au départ qu’il y ait un personnage comme celui de Totoche mais j’ai très vite compris qu’il me fallait avoir un personnage masculin « inspirant » autrement cela allait être difficile.
Ensuite, je me suis amusée à déconstruire les stéréotypes masculins : les hommes au cinéma sont souvent comme dans notre société forts, viriles, grands et agressifs. C’était donc un plaisir pour moi de peindre un homme qui nomme ses sentiments et ses peurs de manière extrêmement simple, à l’opposé de la lâcheté et qui n’hésite pas à avouer qu’il a peur d’aimer. J’ai rarement vu un tel personnage au cinéma et là-dessus, puisqu’il fallait un personnage masculin, j’ai pu raconter celui-ci autrement.