Patrick Wang (2015) Etats Unis 1h43 Avec: Wendy Moniz, Trevor St. John, Oona Laurence
Jessica se réfugie chez son père qui a créé une nouvelle famille dont les non dits gangrènent le quotidien . Peut-on raccommoder? Peut-on se raccommoder?
Une candeur et une franchise désarmantes, qui génère une réelle émotion.

C’est une histoire de deuils à faire, qui se croisent, s’entrechoquent pour dépeindre le tableau d’une humanité réjouissante et goulue comme un nourrisson. On restera longtemps envoûté par la manière de filmer, poétique et inventive, de Patrick Wang. Longtemps hantés aussi par le tout premier plan, une entrée en matière intrigante, subtile, d’une évidence qui avale tout dans son sillage. Utopia
Faisant directement référence aux nouvelles d’Alice Munro et aux tableaux d’Edward Hopper, Wang parvient à structurer une esthétique résolue, émouvante dans sa façon de fabriquer de l’attente, un personnage en soi. La qualité de l’image est, elle aussi, déterminante. « Le grain et la couleur de la pellicule sont importants », explique le cinéaste, amateur d’objectifs et de formats à l’ancienne, comme le super-16 et le super-8 mm. « Les différentes grosseurs de grain deviennent un outil dynamique produisant des effets psychologiques subtils. Journal du Dimanche
La mise en scène de Patrick Wang est faite de plans longs avec un minimum de champ-contrechamp afin de faire advenir l’émotion par le seul jeu des acteurs au sein de l’espace. Il ne sollicite pas davantage l’émotion par le recours à de la musique off. Au sein de ces grandes nappes de présent, surgissent des flashes-back qui expriment les manques affectifs ressentis par les personnages. Ces flashes-back ont ainsi moins pour but de révéler un élément essentiel de l’histoire que d’être de purs moments d’émotion, déclenchés par la mémoire involontaire.
Patrick Wang porte aussi une grande attention à la psychologie, toujours d’une grande finesse, cherchant à comprendre l’autre et à éviter de le blesser. Il aime la beauté des objets investis du travail de l’artisan ou de l’artiste : les cubes sculptés, le travail de reliure de In the Family, les dioramas des Secrets des autres Jean Luc Lacuve
Le réalisateur

Les parents de Patrick Wang venus de Taïwan s’installent à Houston, au Texas, où Patrick Wang nait et grandit. diplômé en économie, il travaille dans cette branche pendant des années avant de devenir acteur, réalisateur, producteur puis scénariste de télévision.
Patrick Wang réalise son premier long-métrage pour le cinéma en 2011. In the Family .En 2015, donc, Les Secrets Des Autres . Ces deux opus bénéficient d’excellentes critiques. En 2018 sort A Bread Factory, part1, en 2019 A Bread Factory part2 : L’histoire d’une ancienne boulangerie transformée en lieu culturel.
L’interview
Quelle est donc votre conception d’une bonne performance d’acteur ?
J’ai une théorie selon laquelle la plupart sont intéressantes, en fait, parce que les acteurs se soucient de la qualité de leur travail. Malheureusement, ce qu’ils font d’intéressant se retrouve la plupart du temps coupé au montage. J’ai l’impression que beaucoup de cinéastes ne se rendent pas compte de ce dont est capable un acteur. Ils réfléchissent trop en termes d’information, quand il faut montrer ceci ou faire ressentir cela, alors que ce qui est beau dans une performance a plus à voir avec la nature humaine. Quand se décide-t-on à parler ? Que se passe-t-il quand une pensée naît dans notre esprit ? C’est toujours présent chez les bons acteurs, mais ce n’est pas toujours ce que la caméra regarde.
Cela fait écho à vos personnages, qui paraissent exister en dehors des films et ne pas vivre seulement dans leurs scènes, une qualité rare à voir au cinéma.
Pour faire ressentir qu’un personnage a davantage de trajectoires possibles que ce qui est montré, le film doit ménager une place pour l’indécision. Quand une scène semble inévitable, par exemple, les vies des personnages paraissent tout de suite plus restreintes. Lorsque je revois mes films aujourd’hui, je suis hanté par la crainte de voir un acteur oublier son texte ou ne pas se placer au bon endroit, et je pense que c’est parce qu’il y a quelque chose de vivant dans leurs scènes : les personnages sont en mesure de faire des choix. C’est quand un acteur exerce un certain pouvoir, qu’on ne sait pas exactement ce qu’il va faire, que l’on ressent ce dont vous parlez : la vie, par-delà le film.