Fernando Trueba (2021) Colombie, Espagne 2h16 Avec Javier Cámara, Nicolas Reyes, Juan Pablo Urrego, Patricia Tamayo
Colombie, années 1980. Le docteur Hector Abad Gomez lutte pour sortir les habitants de Medellin de la misère. Malgré les menaces qui pèsent sur lui, il refuse d’être réduit au silence. Le destin de ce médecin engagé et père de famille dévoué se dessine à travers le regard doux et admiratif de son fils.
Le portrait d’un homme exceptionnel, une chronique familiale et l’histoire d’un pays souvent marqué par la violence
C’est au travers du regard de son fils, Hector, surnommé Quiquin, également auteur du roman éponyme dont est adapté le film (publié en 2006), que Fernando Trueba choisit de dresser le portrait du Docteur Hector Abad Gomez. En montrant son engagement contre la maladie, notamment concernant les plus pauvres, avec en corollaire un militantisme en faveur de la création d’égouts dans les bidonvilles et quartiers défavorisés, David Trueba (le frère du réalisateur), ici au scénario, met aussi en évidence la corruption, et les intérêts du clergé, des politiques comme des guérilleros. Préférant, pour différentes raisons (pouvoir, argent, contrôle…), maintenir la population dans la précarité (Abus de ciné)
Le récit, fait d’allers et retours sur une vingtaine d’années, lui confère une réelle nostalgie du temps qui passe, tout en dressant en creux un tableau sans concession de la Colombie qui commençait à être en proie au développement du trafic de stupéfiants. Une belle et touchante histoire de famille, dont le personnage central, héros discret dans la vie, une sorte de Monsieur Tout-le-monde, est aussi un père et un mari exemplaire (Avoir à lire)
L’acteur espagnol Javier Camara est inouï dans le rôle de ce père de famille. Il forme (dans le film) avec la mère Cecilia, interprétée par l’actrice colombienne Patricia Tamayo, un solide duo. Javier Camara ressemble d’ailleurs et physiquement et moralement au médecin colombien et il s’est imposé pour le rôle, tant au réalisateur qu’à la famille. Il a la même joie de vivre, le même enthousiasme du matin au soir, raconte Fernando Trueba, qui nous dit qu’après avoir lu le livre d’Hector Abad, il l’avait d’ailleurs offert à un certain nombre de personnes chères, dont Javier Camara alors que celui-ci partait pour quelques mois en Colombie sur le tournage de la série Narcos. (RFI)
Le réalisateur Fernando Trueba
De 1974 à 1979, il est critique de cinéma. Après six courts-métrages en 1982, il se fait connaître du grand public avec son premier film, Ópera prima C’est avec Le rêve du singe fou, qui remporte 6 Prix Goya, qu’il acquiert la renommée, confirmée ensuite par Belle Époque
En 2000, il crée la société de production de musique Lola records avec laquelle il produit les bandes originales de ses films, dont Calle 54. En 2010, il obtient avec le film Chico & Rita le Prix du Meilleur Réalisateur au Festival International d’Animation d’Annecy avant « L’artiste et son modèle en 2012
En 2016, il tourne La reine d’Espagne avec Penélope Cruz. Il vient de réaliser le remarquable They shot the piano playeur, en animation sur un pianiste de jazz latino disparu à l’âge de vingt ans au tout début de la dictature argentine.
L’interview du réalisateur :
L’oubli que nous serons est inspiré du roman éponyme d’Héctor Abad Faciolince, considéré comme un des chefs-d’œuvre de la littérature hispanophone. Qu’est-ce qui vous a particulièrement marqué dans ce livre ?
Tout d’abord, j’ai lu le roman sans l’analyser, comme un lecteur normal, en me laissant embarquer par les sentiments et l’émotion de l’histoire. Ce livre m’a énormément touché. Des années après, quand le projet du film se précisait, j’ai abordé la lecture d’une manière bien différente. D’abord comme le témoignage à la première personne d’un fils et de sa relation avec son père et sa famille dans la Colombie des années 80, mais aussi comme l’histoire d’amour d’un fils qui a perdu son père. J’ai été particulièrement touché par cette histoire d’amour et ces souvenirs d’une enfance perdue… Mais aussi de ce bonheur perdu. Un bonheur que, la plupart du temps, on ne valorise qu’une fois qu’il a complètement disparu de nos vies.
Quels ont été les principaux défis à l’heure d’adapter le livre ?
Mon frère David a été en charge de l’adaptation. Il est lui-même réalisateur mais aussi romancier et scénariste. Au préalable, nous nous sommes mis d’accord sur certains points, comme par exemple le fait de concentrer l’histoire en deux moments précis. Mais l’adaptation cinématographique, c’est David qui l’a faite. Il a su reproduire dans le scénario toute la charge littéraire du roman. C’est une réussite.Et puis, au cours du tournage et du montage, j’ai aussi effectué quelques changements car un film et un scénario sont toujours en perpétuelle mutation jusqu’à la toute fin.
Comment s’est déroulé le tournage en Colombie avec ce magnifique éventail d’acteurs colombiens ?
Une merveille ! Le tournage fut idyllique, avec un équipe formidable. Les acteurs ont été extraordinaires. J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec eux ainsi qu’avec les enfants. J’ai pu constater que le niveau des acteurs en Colombie est énorme. Patricia Tamayo, qui incarne la mère, est une excellente actrice, de même que Juan Pablo Urrego qui interprète le fils à l’âge adulte. Je peux dire exactement la même chose de toutes les actrices qui ont incarné les rôles des sœurs. Pour moi, ce fut un réel plaisir de recréer avec eux la vie chaleureuse de cette famille si attachante.