« No Land’s Song » samedi 19 novembre 10h45

Ayat Najafi (2016) Iran 1h35 Avec Sara Najafi, Parvin Namazi, Sayeh Sodeyfi

En Iran, depuis la révolution de 1979, les femmes n’ont plus le droit de chanter en public en tant que solistes.Une jeune compositrice, Sara Najafi, avec l’aide de trois artistes venues de France , va braver censure et tabous pour tenter d’organiser un concert de chanteuses solo.

L’absurde interdiction donne à ce long métrage malin et courageux des accents de thriller politique tragicomique. L’hommage rendu aux voix féminines (d’hier et d’aujourd’hui) est d’une puissance aussi simple que bouleversante.

Instructif et émouvant, le film raconte donc l’histoire d’une révolution aussi discrète qu’essentielle : ce qui s’y profile, en filigrane, c’est le triomphe de l’art face à l’ignorance. Le bannissement de la voix féminine révèle de tristes vérités, notamment la peur de l’émotion, ­synonyme, pour certains théologiens, d’émoi ou d’excitation et non d’élévation spirituelle… On découvre qu’avec l’interdiction du chant féminin tout un pan du répertoire musical persan, écrit sous d’autres cieux pour les femmes, est précipité dans l’oubli. Télérama

No land’s song se vit presque comme un film d’aventure, avec du suspens, des rebondissements et des déceptions, avec des instants de grâce nés de l’extraordinaire beauté des voix et de la musique iranienne et de très forts moment de partage que seule la langue commune de la musique sait faire naître. Et au-delà de la musique, bien sûr, c’est une plongée dans le système kafkaïen et souvent totalement ridicule d’une « république islamiste » qui ne sait plus sur quel pied danser, entre un renouveau politique incarné par l’élection du président Hasan Rohani (aujourd’hui Ebrahim Raïssi) et une vision sclérosée venue d’un autre âge. Mais heureusement, en Iran, en Egypte, en Tunisie, comme hier au Chili, en Argentine, en Tchécoslovaquie… : Kelmti Horra ! * en arabe : « ma parole est libre », chanson de Emel Mathlouthi  utopia

Ayat Najafi

Né à Téhéran en 1976 et vivant actuellement entre Berlin et l’Iran, Ayat Najafi étudie tout d’abord la scénographie. En 1995, il crée une compagnie de théâtre étudiante à l’université de Téhéran, . Il collabore à plusieurs productions théâtrales en tant que réalisateur, auteur, acteur et scénographe. En 2003, il crée l’Atelier d’Arta, en se concentrant sur une approche interdisciplinaire et multimédia du théâtre, et réalise des courts métrages expérimentaux et documentaires.

En 2005, il participe au Berlinale Talent Campus avec son court métrage Move It (2004). Étudiant à l’université de Constance (2008-2009), il y présente sa pièce Histoires de femmes à moustache et d’hommes en jupe. Lady Téhéran, sa deuxième production théâtrale en Allemagne avec une équipe internationale, est montée à Berlin en 2009, suivie de Pakistan (Does Not) Exist. Il signe son premier long métrage documentaire, Football Under Cover, en 2008.

Paroles du réalisateur

Ma sœur Sara fait de la musique depuis son plus jeune âge. Témoin de son
combat quotidien pour étudier puis pratiquer son art (Sara est la première
femme diplômée en composition d’Iran), j’ai pu mesurer l’ampleur des difdifficultés que rencontrent les femmes musiciennes dans mon pays. Avec ce film, je veux montrer l’absurdité du quotidien des jeunes musiciennes iraniennes. L’amour de la musique est la raison de vivre de Sara. Et le concert dont elle porte le projet durant plusieurs années à travers ce film devient un effort collectif pour voir un rêve devenir réalité.
Le rôle de la musique dans la vie politique et sociale de l’Iran au XXe siècle
a toujours été crucial. À chaque période de notre histoire, la musique aura
été le porte-voix des aspirations des Iraniens. Si nombre des chanteuses ont
quitté l’Iran depuis la révolution, beaucoup d’entre elles vivent et travaillent
encore ici. L’ironie veut que les filles soient beaucoup plus nombreuses que
les garçons à fréquenter les écoles de musique. Mais pourquoi apprendre
une discipline qu’elles n’auront pas le droit de pratiquer ensuite ?
Ce film suit pas à pas le processus d’organisation d’un concert à Téhéran,
questionnant de front le système de la censure, face à la caméra. En terme
de stratégie, nous avons opposé la détermination et la « fausse naïveté » de
Sara aux interdits que nous rencontrions. Cela nous a permis de filmer et
d’enregistrer (en caméra cachée) toutes ses démarches auprès des autorités, ses rencontres avec les représentants politiques et religieux, et d’éclairer la « logique » de la censure qu’impose le régime.
La ligne musicale du film a pour leitmotiv le chant traditionnel révolutionnaire Oiseau de l’aube (Morg-e Sahar) auquel Sara veut donner une voix nouvelle. Le film est un hommage à Qamar, celle qui le chanta la première fois. Artiste de légende en Iran, elle parvint dans les années 20 à briser les tabous de la société iranienne et à libérer la voix des femmes, la déplaçant du domaine privé où elle restait confinée, au domaine public. C’est ce même combat que Sara et ses amies doivent mener à nouveau aujourd’hui.
La résistance de Qamar a inspiré le défi que nous avons lancé entre 2011 et
2013 aux gouvernements d’Ahmadinejad puis de Rohani