José Luis chauffeur de l’entreprise pétrolière , Cécilia, une paraguayenne qui travaille dans la région comme prostituée, l’indienne Mapuche Relmu et le fermier gaucho Pampa sont les protagonistes de ce long métrage
Ce documentaire nous projette en Argentine dans le nord-ouest de la Patagonie, où les compagnies pétrolières investissent afin d’exploiter les gaz et huiles de schiste. Dans un décor aride, s’élèvent les pompes à tête de cheval qui oblitèrent l’horizon. Sur les routes encombrées, les camions soulèvent des tonnes de poussière qui grainent les visages et obscurcissent l’avenir des femmes et des hommes vivant là: des fermiers gauchos, des indiens mapuches, des ouvriers, des prostitués.
A travers quatre portraits Grégory Lassalle, avec empathie et retenue laisse émerger le dilemme de ces personnages abandonnés au pouvoir des compagnies, sans recours possible à un gouvernement complice. Lutter, négocier ou partir pour les autochtones. Et pour les exilés dans leur propre pays : revenir dans leur famille ou travailler, conscient du système auquel ils participent pour quelque argent.
Un scénario bien structuré, circulant d’un personnage à l’autre, une image souvent crépusculaire révèle les ombres menaçantes de verticales qui zèbrent l’horizon. Diurne, la lumière tamisée, perce difficilement les nuages de poussière, où les bruits d’engins de toutes sortes s’accumulent, interfèrent prohibant toutes paroles. Des visages sereins bien qu’inquiets, burinés, ou aux rondeurs trompeuses expriment l’ambiguïté de cette situation : paternalisme des cadres, collaboration des syndicats, promesse d’Eldorado, seule la résistance des autochtones est susceptible, malgré un rapport de force défavorable de ralentir un véritable processus de colonisation, d’accaparation de richesses et de destruction d’activités ancestrales.
La statue géante, blanche du Cristo en Cutral qui ouvre ses bras accueillants est bien trompeuse ! Car dans ce monde les victimes sont traduites en justice.
Né à Montpellier. Formé au journalisme et aux métiers de la solidarité internationale, il débute sa carrière de réalisateur au Guatemala où il a vécu entre 2003 et 2010. Ses premiers documentaires sont lié à des actions militantes : KM207 au bord de la route (2004) et Le business de l’or au Guatemala (2007), Des dérives de l’art aux dérivés du pétrole (2011), L’aventure, trois africains sur la route de l’Europe (2014), et plus récemment Terres de schiste (2014). Son prochain film, sur la trajectoire après la prison d’un ex-détenu longue peine, est en cours de développement.
Parallèlement, il écrit des articles pour le Monde Diplomatique : Au Guatemala, l’oligarchie rentabilise la civilisation maya en 2011, Arrestation du Viking guatémaltèque en 2012, Un rempart contre les migrants en 2013, Avec les hirondelles, dans le far-ouest argentin en 2015.
Il est également l’auteur de deux livres : L’Aventure aux Éditions Non-Lieu, est sorti en 2014. Vaca Muerta, le nouvel eldorado de l’industrie pétrolière, son dernier ouvrage, a été édité en 2016.
Comme dans mes films précédents, je souhaite raconter des personnes prises dans la marche de la « grande » Histoire. Ici, le décor naturel est celui des steppes et des plateaux de la province de Neuquén, au centre ouest de l’Argentine, au pied de la Cordillère des Andes. Depuis 2013, le gouvernement national et les compagnies pétrolières exploitent massivement cette zone semi-désertique et peu peuplée. Dans l’imaginaire collectif, l’appropriation de ce désert rappelle la conquête du far west, avec ses décors de western, son esprit pionnier et ses promesses d’abondance. Lieu de propagande et d’enrichissement, la steppe patagonne est devenue aussi un lieu de pouvoir et de rapport de force. Entre les populations et les entreprises d’abord, ainsi qu’à l’intérieur même du monde du pétrole.
Le pouvoir est un facteur déterminant dans les décisions que prennent les individus. J’ai pu l’observer dans sa capacité à proposer des options à ceux qui veulent bien s’adapter, notamment en attisant la convoitise et en incitant à la compromission. Aujourd’hui, en Patagonie, l’activité pétrolière fait consensus. Le changement semble acté. On appelle ça le « progrès ». L’enjeu est maintenant de savoir ce que vont devenir les populations. » Grégory Lassalle »