Dyana Gaye 2010 France Sénégal 0h48 avec Umban Gomez de Ksët, Anne Jeanine Barboza, Bigué N’Doye…
C’est la fin de l’été. Le temps d’un voyage de Dakar à Saint-Louis, les passagers d’un taxi-brousse croisent leurs destins et se racontent en chansons.
On rit, on s’émeut et s’amuse un film léger et profond à la fois

Voici que, dès les premières minutes, tous les passagers se mettent à danser et chanter ensemble, sur le mode Demy-Legrand (hommage amusant), et que tout soudain devient plus beau, magique, que les couleurs de Dakar et de Saint-Louis (boubous, taxis jaunes, pastèques, boutiques de rues aux murs décorés, ciel bleu, salon de coiffure fluo) se mettent à bouger et à vibrer à l’unisson.
Derrière les personnages de fiction, toujours en arrière-plan, on sent et voit vivre le Sénégal quotidien, tellement pris par son activité qu’il ne semble même pas prêter attention au tournage de Dyana Gaye. C’est dans ce contraste, cette superposition très visible de la fiction et de la réalité, comme ces décors de théâtre qui créent de la profondeur en truquant les perspectives, que se situe la beauté simple, directe, allègre de ce transport en commun. inrock
Chaque chanson définit ainsi un personnage en possédant sa propre couleur musicale – depuis la musique traditionnelle sénégalaise jusqu’au jazz, en passant par le twist. Et de la même façon que des fils se nouent momentanément entre les protagonistes au cours du récit, tous ces airs de musique sont travaillés par une stylisation qui finit par les rapprocher.
Tel est bien l’enjeu de ce film léger et profond la fois : casser la distance entre le proche et le lointain, jouer des frontières qui nous séparent, hybrider les identités culturelles qui nous emprisonnent, embarquer tout le monde, à commencer par les spectateurs, dans un voyage primesautier qui se veut avant tout un partage des imaginaires. Jacques Mandelbaum
La réalisatrice
Dyana Gaye est née à Paris, d’un père sénégalais et d’une mère franco-italienne. Elle étudie le cinéma à l’université Paris 8 – Saint Denis où elle obtient en 1998 une maîtrise d’études cinématographiques. Lauréate de la bourse Louis Lumière – Villa Médicis hors les murs en 1999, elle réalise l’année suivante le court métrage Une femme pour Souleymane qui sera distingué par plusieurs festivals internationaux. Parallèlement, elle travaille pendant plusieurs années comme programmatrice pour l’ACID (Agence du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion). En 2004, elle met en scène J’ai deux amours où il est proposé à une quinzaine de cinéastes de réaliser un plan-séquence de cinq minutes sur le thème « Paris la métisse ». Son film suivant, Deweneti, où un jeune mendiant de sept ans se met en tête d’écrire au Père Noël, fait partie des nominés aux César 2008 du meilleur court métrage. C’est en chansons qu’elle revient en 2009 avec le moyen métrage Un transport en commun. Quatre ans plus tard, elle croise à nouveau les destins de ses personnages avec Des étoiles qui sera tourné entre Dakar, New York et Turin. Dyana Gaye est aussi membre du collectif 50/50 qui a pour but de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel
L’interview
Tu es arrivée sur le tournage d’Un transport en commun avec des comédies musicales, des références que tes comédiens ne connaissaient pas spécialement. Quelles ont été leurs réactions ?
Ce n’étaient pas spécialement les références du film à proprement parler mais mes références, du coup, je pense qu’ils ne se projetaient pas dedans. C’était très éloigné de ce qu’on était en train de faire, mais en même temps, le but n’était pas de faire Hollywood à Dakar ! J’avais instauré un ciné-club à la pause déjeuner pour ceux qui avaient envie de voir les films, et ça leur a beaucoup plu. Il y avait une vraie demande, un vrai désir de voir ces images. On répétait dans un lieu ouvert, il y avait beaucoup de passage,les gens s’arrêtaient. Au moment du tournage, les gens se montraient également curieux. Quand tu allumes les enceintes et que tu balances une chanson, 300 personnes s’assoient pour regarder comme si elles étaient au théâtre !
Ton film, tes films ont pu être montrés au Sénégal ?
Oui, j’ai fait une projection en plein air d‘Un transport en commun qui était vraiment chouette. 300 personnes dînaient, buvaient des coups, dansaient, chantaient. Pour Deweneti, j’avais aussi organisé une projection. Il n’y a plus de salle dans le pays donc c’est toujours un peu sauvage, mais il y a encore un peu de résistance avec les festivals, les ciné-clubs, et le centre culturel français à Dakar. Il reste des endroits où on peut encore se réunir autour d’une projection. C’est lié à la volonté de quelques personnes qui ont encore la volonté de faire exister le cinéma en-dehors de la télévision.