Cinéma du Réel: « Les Bains » vendredi 23 mai à 18h à la médiathèque

1993 Francis Belot, Cécile Boumard 50 mins

Chronique d’un hiver saint-pétersbourgeois au travers des portraits de quelques uns de ses habitants que nous retrouverons aux bains publics de la ville. Grâce à Youri Shevshouk, star de rock (du groupe DDT) qui s’est investi totalement par ses mots, sa musique, sa voix, les moments passés avec ces anonymes deviennent des moments de pure poésie.

Ce film dû aux circonstances : les réalisateurs, Cécile et Francis Belot bloqués sur leur péniche par les glaces début des années 90,  nous  plonge dans les bains de Saint Pétersbourg, nous immerge dans un  microcosme de la société d’une grande ville au passé prestigieux. Ville, qui a changé plusieurs fois de nom au grès des évènements,(tout change, rien ne bouge), ville des tsars qui a vu naître Chostakovitch, Spassky mais aussi Poutine qui travaille à la ville au moment du tournage .

Des personnages haut en couleurs caressés par la vapeur et non par le pouvoir ou la société comme l’exprime l’un d’entre eux, livrent leurs états d’âmes, devant la caméra, se mettent à nu, avec précaution, au propre comme au figuré. Un saxophoniste, à la bouille bienveillante, qui, véritable joueur de fluteau refuse, pour son entourage, le blason de l’avenir radieux promis par la propagande, accompagne les portraits doux et insolites de ceux qui confessent leurs passions leurs espoirs, malgré des expériences  de vie pour le moins désagréables : la mère qui accouche sans entourage médical, le jeune marié maltraité emprisonné pendant trois ans sans raison… et libéré sans explication, un des rares survivants, irradié, témoin obligé d’un essai nucléaire durant son service militaire. Bref le règne de l’arbitraire et du laisser-aller apparemment toujours d’actualité.

Aucune protection sociale , si ce n’est celle de l’entourage pour la babouchka, à l’équilibre instable sur le sol gelé : « les vieux sont trop nombreux, on ne peut s’en occuper », et prémonitoire, « les businessman arrivent » : le trop plein , l’eau déborde mais personne se noie car les forces de vie sont fortes, chez cette enfant aux projets multiples, chez ce couple qui veut beaucoup d’enfants, et cet autre qui rêve d’un temple du rock…..

En voix off les textes de Iouri Chevtchouk, lus par lui, hachent lucidement, en contre point, des plans de groupes joyeux, amicaux où se mêlent femmes, hommes de divers milieux car ici « on soulage son âme en parlant au voisin ». Iouri Chevtchouk le  chanteur, le barde qui brocarde les guerres de son pays Géorgie, Tchétchénie, Ukraine, vit à Saint Pétersbourg. Son immense popularité, les policiers venus l’arrêter se photographient avec lui, l’a jusqu’ici protégé, seulement condamné à une amende à ce jour.

Et que dire d’une caméra qui s’approche lentement des visages, pénètre, révèle les psychés avant de se retirer sur la pointe des pieds. Des plans séquences qui aussi bien se tiennent à distance ou balaient d’un doux panoramique la flopée de personnages. C’est la caractéristique de ce film : La mise à nue pudique d’une société ! André Blasco

Cécile Boumard Belot

En 81, juste après ses 5 ans de fac psycho, elle part dans le sud de la France, passe un CAP de menuiserie, et s’occupe d’un troupeau d’ânes. En 85, elle remonte dans la région parisienne et devient journaliste pendant une dizaine d’années. Elle travaille dans la presse écrite, mais aussi avec Francis qui réalise des documentaires vidéo pour diverses chaînes de télévision.

Francis Boumard Belot

En 81, juste après la fermeture de son hôtel bar restaurant tenu pendant deux ans,il traverse la France à cheval: une année de petits jobs dans les fermes qui l’hébergent…En 82, école de théâtre à Paris. Puis il devient journaliste-animateur permanent de la radio libre « Radio Gennevilliers ». C’est aussi la rencontre avec Raoul Sangla, (réalisateur de télévision en particulier de l’emblématique Discorama) et les premières télés libres « qui se mêlent de ceux qui la regardent ».

Tous les deux ont le Coup de foudre pour « Elizabeth ». qu’ils achètent et emménagent sur les bords de Seine. C’est la future Europodyssée. En 87-88, ils réalisent des documentaires télé. Ils amènent par exemple, les affiches électorales de la campagne présidentielle 1988 dans une tribu M’hong et le chef du village organise un vote à main levé… et ils filment…

En 91, deux jumelles, Jeanne et Alice, arrivent dans le couple et germe l’idée d’un grand voyage vers l’Est par fleuves et rivières. En juin 92, Europodyssée largue les amarres, direction Moscou. Ils vont réaliser un feuilleton documentaire de 125 épisodes diffusé sur France 3, tout en devant éviter les Balkans en guerre ou se détourner des environs de Tchernobyl contaminés. Le voyage durera 2 ans. Arrivés à Saint Petersbourg, ils réalisent « Les Bains » si bien nommé. Après des conditions de retour rocambolesques la péniche, sur le canal du midi, deviendra sous leur férule et durant 15 ans un lieu de vie pour des jeunes en difficultés. Vendue à la ville de Carcassonne, elle est aujourd’hui un lieu qui accueille différentes manifestations culturelles.