Dino Risi (1961) Italie 1h59 Avec Alberto Sordi, Léa Massari, Franco Fabrizi
Silvio , ancien résistant, journaliste rivé à ses convictions politiques a de plus en plus de mal à subvenir aux besoins de sa famille. Son épouse, Elena, le lui reproche et le quitte….Silvio réussira t il à la reconquérir
Un grand film, de ceux qui nous émeuvent et nous transportent avec un éclat de rire amer
Radiographie de l’homme italien sur une période de quinze ans. De la fin de la guerre au boom économique, Une vie difficile raconte les désillusions d’un citoyen intègre, idéaliste de gauche, forcé de rompre avec ses valeurs morales. Grave ou facétieux, Alberto Sordi, en grande forme, interprète le personnage de Silvio, prenant avec bonheur le contrepied de ses rôles habituels d’opportuniste, lâche et profiteur. L’un des meilleurs films de Risi, qui illustre parfaitement la fameuse réplique de Nous nous sommes tant aimés d’Ettore Scola : « Nous voulions changer la société, c’est la société qui nous a changés. »
Si le film a tout pour paraître de la comédie à l’italienne, il se trouve à la lisière de la tragédie, et à la lisière d’un panel de montage et d’émotions particulièrement éclectiques, entre plans séquences et images-action, entre humour amer et noirceur mélancolique. Une vie difficile est un film qui redéfinit son propre genre : ce n’est ni une comédie, ni une tragédie à proprement parler, ni une composition néoréaliste. Dino Risi emporte plutôt son spectateur au large d’une fresque romanesque, politique, sociale, amoureuse, dans une tragi-comédie douce-amère, pleine de comédie de situations, de séquences désopilantes, de techniques de montage innovantes ; mais aussi d’instants de tendresse, de regards bouleversants, de tristesse et d’amertume Eléonore Vigier
C’est trop riche, trop touffu, trop rebondissant, trop drôle. Quelques dix ans de l’histoire de l’Italie, de la Résistance en passant par les élections de 48, avec toutes les promesses de changement qu’elles apportaient… Le monde de la presse, celui du cinéma, la vie des villages et celle des grandes villes. Une intrigue sociale et politique d’une précision sidérante, ponctuée des démêlés amoureux de Silvio, fatalement liés à son ascension sociale… Le tout à travers des situations cocasses, des gags fendards mais jamais gratuits. Rien, pas une scène n’est là au hasard, ou de trop. Un régal. utopia
Dino Risi
Né en 1917, Dino Risi est diplômé en médecine et obtient un doctorat de psychiatrie, tout en assouvissant son amour par le cinéma en tant que critique et assistant directeur d’Alberto Lattuada et Mario Soldati. Pendant la guerre, alors qu’il s’est réfugié en Suisse, il suit des cours de cinéma auprès de Jacques Feyder. Dès 1946, il participe à l’écriture de nombreux scénarios et réalise plusieurs courts métrages et documentaires, plus d’une vingtaine en l’espace de quatre ans. Il signe en 1952 son premier long métrage, Vacanze col gangster. Il devient célèbre avec L’Homme aux cents visages, où il dirige pour la première fois celui qui deviendra son acteur fétiche : Vittorio Gassman. Il devient en l’espace de quelques années l’une des grandes figures de la comédies à l’italienne, délaissant cependant souvent le genre pour le drame ou la satire politique. Infatigable, il réalise une cinquantaine de longs métrages et participe à plusieurs reprises à des films à sketchs, très en vogue dans le cinéma italien, comme Les Monstres et ses suites. Il s’éteint en 2008 à l’âge de 91 ans
Ses films les plus connus : 1962: Le Fanfaron, 1974: Parfum de femmes, 1981: Fantôme d’amour
L’interview
Revenons à Une vie difficile. On a l’impression que pour la première fois de ta carrière, tu es en colère… C’est assez patent dans cette scène formidable où Alberto Sordi crache sur les voitures qui passent, dans un mélange de rage et d’impuissance…
D. R. : C’est dans le personnage. Qui ne me ressemble d’ailleurs pas beaucoup. Parce que je ne suis pas capable de cet idéalisme, de cette intransigeance. Alberto Sordi a beaucoup contribué à faire de ce personnage l’un de ceux dont on se souvient. Quand il crache sur les voitures, la prise était normalement finie, et la production était déjà rentrée au bercail. Mais il a eu cet instant de génie et j’ai laissé filer la caméra… Il était à incandescence…
Avec Une vie difficile, on entre vraiment dans les plus riches heures de la comédie italienne. Si on en profitait pour la définir…
D. R. : « La comédie italienne », c’est une formule. On peut y ranger des tas de films très différents. Le mot important, c’est « italienne » : c’est dans notre nature de mélanger la comédie et les choses sérieuses. Bien sûr, tous les cinéastes de la péninsule ne se rangent pas dans ce courant. Parce qu’il faut en plus un zeste d’ironie. C’est le cas de Germi, de Scola, de Monicelli…
Je me souviens d’une réflexion de Laurent Heynemann sortant de la projection d’Une vie difficile : « Ce qui est formidable dans les films de Risi, c’est qu’il adopte un point de vue très critique sur ses personnages, mais ce n’est jamais méprisant. » Cet équilibre est difficile à trouver. Est-il naturel ?
D. R. : Je crois. Le moment le plus difficile pour un metteur en scène, c’est le choix des acteurs. Si tu as l’acteur juste dans un rôle juste, tout le travail est fait. L’humanité du personnage ressort naturellement. Si le comédien est en contradiction avec le personnage, le film est raté.