En partenariat avec L’Aire des familles et la médiathèque Max Rouquette un film de Rodrigo Sorogoyen (2020)|Espagne 2h09 Avec Marta Nieto, Jules Porier,
Yvan 6 ans a disparu sur une plage dans les Landes. 10 ans après Elena, sa mère vit et travaille dans ce même lieu…..
Prenant et troublant: une réussite
Avec MADRE, Rodrigo Sorogoyen prouve qu’il est déjà un grand metteur en scène, loin des intrigues policières il choisit l’épure d’un récit intimiste pour porter un point de vue singulier sur la maternité.
C’est cette idée de basculement que le réalisateur cherche à formaliser dans sa mise en scène pour traiter du basculement mental vécu par le personnage principal enfermé dans le souvenir de la perte. La photographie d’Alex de Pablo est composée de courtes focales et de très grands angles qui perdent Elena dans ce décor de longues plages désertiques des Landes. Tout converge à elle et à son errance désespérée sur des paysages de l’âme qui renvoient à son état intérieur. Hadrien Salducci
Rencontre vertigineuse entre une femme meurtrie et un adolescent, le nouveau film du réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen échappe avec bonheur à son récit programmé. Il est des films dont la beauté et la force sont d’emblée incontestables. Et d’autres où celles-ci affleurent peu à peu, voire –c’est encore plus rare et intrigant– apparaissent contre ce qui semblait les caractériser.
Ainsi en va-t-il de Madre, où se produit une étrange mutation à l’intérieur même de son récit et de l’idée du cinéma qu’il met en œuvre. Jean Michel Frodon
Le réalisateur
Réalisateur, scénariste et producteur espagnol, Rodrigo Sorogoyen a commencé par des études à l’ECAM (École de cinéma et d’audiovisuel de la communauté de Madrid). Il se lance rapidement dans l’écriture d’épisodes de séries télévisées. Ensuite, en 2008, il écrit et coréalise la comédie romantique 8 citas (2008), mais revient travailler à la télévision pendant plusieurs années sur des séries comme Impares.
En 2011, Sorogoyen passe à la vitesse supérieure en fondant Caballo Films qui produit une autre de ses coréalisations : Stockholm (2013). Le film reçoit de nombreux prix dans des festivals et gagne un Goya du meilleur espoir pour l’acteur Javier Pereira. Toutefois, la révélation en France intervient avec Que dios nos perdone (2016), thriller sans concession qui nous as scotchés à notre siège. Il enchaîne aussitôt avec le court-métrage Madre (2017) qui est un unique plan-séquence mettant tout le monde d’accord.
Toujours dans le domaine du thriller, il signe El Reino (2018) qui rafle sept Goyas pour une œuvre encore excellente. Alors, Rodrigo Sorogoyen choisit de reprendre son court-métrage primé dans le monde entier pour en faire un long éponyme intitulé Madre (2019). Plus complexe et davantage axé sur la psychologie des personnages, le métrage confirme le talent d’un auteur confirmé en 2022 avec « As Bestas »
L’Interview de Rodrigo Sorogoyen
Dès le début du projet vous avez tout de suite su que vous alliez faire un drame ou, à un moment, vous avez pu penser que cela pouvait éventuellement être un thriller ?
Je ne peux pas vous dire. On savait qu’il y avait des éléments de thriller et on savait que c’était un drame, une histoire d’amour aussi. Avec Isabel Peña, ma co-scénariste, on se regardait parfois en se demandant ce qu’on était en train de faire. On ne voyait pas vraiment de quel genre relevait ce film. Chaque fois qu’on pensait savoir, on se rendait compte qu’on ne savait pas.
Est-ce que cette réception « particulière » n’est pas aussi liée au fait que vous ne donnez jamais au spectateur ce qu’il attend ? Au début du film, on attend des explications sur ce qu’il s’est passé, il n’y en aura pas. Après, on pourrait s’attendre à un film avec une dimension pathos, larmoyante, et ce n’est pas le cas. Le spectateur attend une chose, vous lui donnez toujours autre chose. C’était volontaire ?
Pas volontaire. On était conscient de beaucoup de choses mais pas conscient à 100% de ce que le spectateur allait attendre du film. On ne peut jamais le savoir sauf si tu récites une “formule” sur un film d’action ou sur une comédie. C’est stimulant aussi de découvrir comment le film va évoluer.
On sent que vous avez pioché dans différentes influences, autant dans le cinéma que dans la peinture, certains plans rappelant notamment le travail d’Edward Hopper, même si son style est plus urbain. Aviez-vous déjà, avant le tournage, une idée de la coloration que vous voudriez donner au film ?
Mon processus de travail, c’est de me rendre compte des choses petit à petit. Je ne décide pas à l’avance. Je crois que la scène la plus “Hopper” du film est celle avec Anne Consigny dans le bar. Je la vois et je peux me dire “ça, c’est du Hopper“. Mais ce n’est pas quelque chose à laquelle je réfléchis six mois avant en me disant “Je veux que cette scène ressemble à du Hopper“. Ce qui est génial, c’est quand tu trouves quelque chose et que tu peux l’introduire de façon naturelle.
« Alors que la société scinde entre les bons et les mauvais et, d’une certaine façon, nous contraint à le faire, nous cassons ces jugements-là, ce qui met le spectateur en position d’inconfort. » (Rodrigo Sorogoyen)