« Tom Medina » Lundi 2 décembre 18h15 et 20h30

Tony Gatlif  (2021) France 1h40 Avec David Murgia, Slimane Dazi, Karoline Rose Sun

Sur décision d’un juge pour mineurs, Tom Medina est envoyé auprès d’un tuteur, Ulysse, gardien de taureaux et de chevaux en Camargue…

Épique et flamboyant, ce film de Tony Gatlif signe un retour sur l’enfance

Ceux qui découvriront à travers ce17e long métrage de Tony Gatlif auront toutes les clés pour partir à la rencontre des 16 précédents. Le choix de la marge ou en tout cas le refus des sentiers balisés. La soif de liberté comme valeur essentielle. L’importance capitale des rencontres. L’importance encore plus grande de l’amitié, de la confiance. Le rejet viscéral de l’injustice. Et puis la Camargue sauvage et mystique, les chevaux qui galopent, le soleil qui réchauffe les os et le cœur, le vent qui vivifie et qui balaie toutes les petitesses. Et enfin la musique, bien sûr, l’âme de Tom Medina comme de tous les films de Gatlif : mélodies tziganes forcément mais qui entrent en fusion avec les sons écorchés du rock brut de Karoline Rose Sun, également actrice. Utopia

La première scène provoque un rire franc et il sera loisible de rire à nouveau par la suite, notamment grâce aux touches burlesques dignes d’un Kusturica, avec qui Gatlif partage un goût pour la tragi-comédie, là encore à l’honneur pour ce « Tom Medina ». Le côté western, transposé en Camargue, est également alléchant dans cette ouverture solaire à la folie communicative. Abus de ciné

Tony Gatlif

est né d’un père kabyle et d’une mère gitane à Alger. En 1954, un instituteur créé un ciné-club suscitant l’intérêt des enfants. Toni découvre à cette occasion le cinéma et désire devenir acteur. Lorsqu’à 12 ans, sa famille tente de le marier à une fillette qu’il ne connaît pas, il refuse et s’en va vivre comme cireur de chaussures .

De là, il rejoindra la France en 1960 durant la Guerre d’Algérie. S’ensuit un parcours difficile qui ira de la maison de redressement à une rencontre avec l’acteur Michel Simon en 1966 qui le recommandera à son entourage. Et après des cours d’art dramatique, il jouera au cinéma, au théâtre, à la télévision, avant de passer à la réalisation en 1975.

Chantre des Roms, sa carrière est jalonnée de belles réussites, de Latcho drom à Tom Medina en passant par Gadjo dilo, swing, Géronimo et bien d’autres créations

L’interview

Tom Medina, c’est un film autobiographique ?


Tom Medina est le film le plus proche de mon histoire mais ce n’est pas un film autobiographique. Je ne raconte pas ma vie dans mes films, ça m’ennuie, je m’inspire de faits réels qui me sont arrivés. L’origine du film, c’est l’éducateur qui m’a aidé lorsque j’étais dans la rue à Paris, après avoir fui l’Algérie dans les années 60. J’ai été placé en foyer, puis en maison de correction, j’ai eu la chance de rencontrer Claude Orange, mon éducateur, qui est devenu mon maître, puis mon guide.

Tom Medina, c’est Tony Gatlif ?


Je vais vous dire quelque chose que je n’ai jamais raconté. À l’âge de 13 ans, je venais de quitter l’Algérie clandestinement, sans papiers. Je dormais dans la rue. Je volais. Des policiers m’ont arrêté, ils m’ont mis les menottes. Ils m’ont demandé mon identité. Je ne voulais pas donner mon vrai nom parce que j’avais peur d’être renvoyé en Algérie. Sans réfléchir, j’ai ré pondu aux policiers : Tony Gatlif. Ma vie a changé à cet instant. Gatlif, c’était le nom d’un parc à Alger où j’allais me reposer quand j’étais cireur de chaussures. C’était un parc fabuleux, avec des fleurs, des parfums, des amoureux qui s’embrassaient et la mer au loin. C’était romantique, c’était magnifique. Tout ça m’appartenait. Le parc Gatlif, c’était mon parc.

Pourquoi avoir choisi de faire ce film maintenant ?


Je tournais un film à Lesbos en Grèce. Un matin, des milliers de migrants avaient débarqué sur la plage, des Syriens, des Afghans. C’était inimaginable. Je n’avais vu ces scènes de panique qu’au départ des pieds-noirs à l’indépendance de
l’Algérie. C’était le même choc émotionnel. Tout se lie, tout se tient dans ma mémoire, comme les attentats de 2015 dans mon quartier du 11ème à Paris, lorsque les gens ont été massacrés dans des cafés que je fréquentais. J’avais besoin de sortir ces
émotions. Tom Medina, c’est mon exorcisme. Tom Medina est un clandestin, un sans-papier, comme ceux de Lesbos, les rescapés des naufrages. Tom Medina, c’est un suspect permanent. S’il y a un vol quelque part, c’est lui qu’on arrête. Ce qui fait le plus mal, ce n’est pas la violence, c’est l’humiliation. L’humiliation, c’est ce qu’il faut nettoyer pour devenir quelqu’un de bien.