Kim Jee-Woon (2023) Corée 2h13 Avec Park Jung-soo, Krystal Jung, Jung-se Oh
1970. Kim, cinéaste, veut retourner la fin de son film Cobweb. La pression de la censure, ainsi que les protestations des acteurs et des producteurs, installent bientôt le chaos sur le plateau……
Kim Jee-woon invente une comédie explosive

Avec cette mise en abime très classique (la réalité est en couleurs, et le film dont on voit de longs extraits est en noir et blanc), Kim Jee-woon nous livre une œuvre emplie de modestie et d’autodérision…un film très drôle certes, mais surtout attendrissant. Sans livrer le chef-d’œuvre de sa carrière – mais Cobweb donne le sentiment de ne jamais avoir eu cette prétention – Kim Jee-woon apporte sa pierre à l’édifice en nous montrant son rapport au cinéma. Certains dialogues sont mémorables, et plusieurs plans également. La dernière demi-heure, qui constitue la partie la plus chaotique du long-métrage, est dotée de l’une des séquences les plus fortes du cinéma de Kim Jee-woon. Le tout est d’une maîtrise remarquable. Acteurs, rythme, photographie et humour fonctionnent à merveille dans ce qui est l’un des films les plus drôles et absurdes de l’année. Bleu du miroir
Ça tourne à Séoul !, son nouveau film, confirme l’humour qui traverse toute son œuvre, en mettant les pieds dans le plat d’une comédie historique et autoréflexive qui fait mouche. Ce huis clos grotesque et débridé nous ramène, en d’autres termes, dans les années 1970 à Séoul, sur un plateau de tournage. Kim en est le personnage principal, un réalisateur tributaire à la fois de sa maison de production et de la censure politico-culturelle mise en œuvre par le régime dictatorial qui règne alors en Corée du Sud depuis 1961, sous l’égide du général Park Chung-hee.Une bonne part de l’ironie de ce film tient à l’abime qui semble séparer l’industrie sud-coréenne de cette époque durant laquelle les réalisateurs les plus connus tournaient dix films par an et l’ambition d’art et d’éternité qui anime son tumultueux protagoniste. Lequel autre délice et discrète apologie de l’impureté du cinéma se trouve contraint de réécrire son film à tout bout de champ ne serait ce que pour faire accroire aux commissaires politiques ravis qu’on voit les communistes crever longtemps à l’écran Le Monde
Le réalisateur

Kim Jee-woon est l’un des fers de lance du renouveau du cinéma coréen à la fin des années 1990 et au début des années 2000, aux côtés d’autres personnalités célèbres comme Bong Joon-ho et Park Chan-wook.
Les cinéastes de cette période sont surnommés « la génération 386 » : des personnes nées dans les années 1960, qui ont été témoins des bouleversements socio-politiques de leur pays dans les années 1980.
Kim Jee-woon débute dans les années 1990 comme acteur, puis metteur en scène de pièces de théâtre remarqués. En 1998, il réalise un premier long-métrage, The Quite Family (1998), qui mêle comédie satirique au thriller et au film d’horreur.
Après ses comédies The Quite Family (1998) et The Foul King (2000), il enchaîne par le film d’horreur Deux Sœurs (2003), les hommages au polar noir hongkongais A Bittersweet Life (2005) et au western mandchourien Le Bon, la Brute et le Cinglé (2008),
le film de vengeance J’ai rencontré le Diable (2010), le thriller d’espionnage historique The Age of Shadows (2016) et le film d’anticipation futuriste adapté d’un anime (long-métrage d’animation japonais), Illang : La Brigade des loups (2018)
Une interprétation du cinéma de Kim Jee-WON par Léo Soesanto journaliste et critique de cinéma
Sous ses différents atours, le travail de Kim Jee-woon est néanmoins motivé par les mêmes mécanismes : l’échec et la déficience constante des figures paternelles, ici littérales, dont les protagonistes attendent en vain une parole libératrice ou une approbation. Ainsi des patrons, mafieux ou au bureau, de A Bittersweet Life et Foul King, et des pères totalement incompétents avec leur progéniture, de Deux Sœurs à J’ai rencontré le diable. C’est aussi une incommunicabilité aux conséquences toujours dévastatrices, une cavité dans le cœur des personnages, que la violence semble seule être en mesure de combler. Dans Le Bon, la brute, le cinglé, la brute (Lee Byung-hun, le Alain Delon de Kim) du titre est un tueur qui cache, sous ses manières de rock star, un trauma castrateur qu’il finira par révéler, tandis que tout le monde s’affaire autour de la cachette d’un trésor – un trou dans le désert. Si les héros de Kim finissent par s’éparpiller façon puzzle, c’est qu’ils sont eux-mêmes à la recherche de la pièce qui leur manque – une vérité, un être cher.