Gabriel Axel (1987) Danemark 1h42 avec Stéphane Audran, Bodil Kjer, Birgitte Federspiel
1871 Babette exilée de la commune au Danemark, fête son retour possible en France en préparant un grandiose repas.
Festival de malices et de douceurs, un vrai festin pour ceux dont l’œil écoute.

Le film de Gabriel Axel rejoint The Dead de John Huston, le repas y suit le même mouvement de la résurgence du passé, pour aboutir à la même révélation d’une histoire d’amour impossible et morte. Plus qu’un oeuvre d’atmosphère pointilliste, Le Festin de Babette reste, avant tout une belle histoire, un conte moderne où le merveilleux n’a d’autre pouvoir sur la vie que de rendre les échecs, les regrets et la mort plus doux. Avec ce film poétique, Gabriel Axel prend place parmi les cinéastes conteurs, qui aiment leur histoire, mais aussi leurs personnages et leurs acteurs: ils sont tous ici magnifiques.
Frédéric Strauss [Cahiers du cinéma
Bel instant de cinéma que la description des plats, leur ordre d’apparition, leur saveur évidente, et, pour enrichir le propos, la lente illumination des convives, leur découverte de la vie réelle grâce à la gourmandise autant qu’à la fraternité. On ne tombe pas dans une débauche alimentaire, encore moins une ivresse énolique, il s’agit d’une sorte de fête presque païenne, où des êtres humains d’une manière inattendue, brisent leur carcan social, abandonnent un instant leurs certitudes religieuses, se réjouissent pour la première fois. Cette Babette tombée des nues leur offre un instant de plaisir.
Au centre d’un film marqué par la peinture hollandaise, les visages s’animent, les yeux pétillent, les couleurs se multiplient, nous songeons à l’univers du grand Carl Th. Dreyer, la qualité du cadre, la richesse du détail domestique, des portraits de femmes hors du commun et surtout le foisonnement de la beauté liée à la bonté. Jean Louis Coy
Avant de passer sur grand écran, Le Festin de Babette est avant tout la fameuse nouvelle signée par Karen Blixen, la même qui, un an plus tôt, était célébrée à titre posthume par Hollywood pour l’adaptation réussie d’Out of Africa par Sydney Pollack. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que, de l’autre côté de l’Atlantique, l’autrice ait intéressé également les coproductions européennes. La sanction fut la même : le film du réalisateur danois Gabriel Axel remportera également l’Oscar tant convoité du meilleur film étranger. Pourtant, la proposition formelle est ici bien éloignée du lyrisme romantique du réalisateur de Nos plus belles années à qui les mélodrames sophistiqués ont toujours plutôt réussi. Sans pour autant caricaturer la sécheresse de ses concitoyens les plus connus (on est ici à mille lieues de Dreyer), Gabriel Axel est néanmoins dans une certaine forme d’économie qui sied plutôt bien à l’austérité du propos. Ici, l’ampleur se déploie sous le poids des mots, l’image s’axant – sans pour autant être illustrative – sur la qualité d’un texte dont la littéralité est pleinement assumée par la voix off. Encore une fois, elle n’a rien à voir avec celle d’Out of Africa où la force du souvenir prenait le pas sur tout autre sentiment, affectant à chaque seconde le regard du spectateur. Critikiat
Le réalisateur (1918-2014)

Après des études dramatiques au théâtre royal de Copenhague, le danois Gabriel Axel rejoint la troupe de Louis Jouvet de 1945 à 1950. Partageant sa vie entre la France et le Danemark, il tourne de nombreux films pour la télévision tout en continuant une belle carrière théatrale, aussi bien comme metteur en scène que comme acteur.
Durant près de trente ans, Gabriel Axel réalise quelques longs métrages dont l’écho se limite aux frontières du Danemark, Après La Mante rouge (1967) et Le Joujou chéri (1968), présentés à Cannes, il connaît la reconnaissance internationale avec Le Festin de Babette (1987), qui remporte l’Oscar du Meilleur film étranger.
Ce succès lui permet de réaliser Christian, qui sera présenté à Venise, mais lui permet également de travailler avec des comédiens comme Gabriel Byrne (Le Prince de Jutland) ou de participer à la réalisation d’un documentaire regroupant de nombreux cinéastes à travers le monde (Lumière et compagnie). En 2001, Gabriel Axel réalise Leïla, avec Mélanie Doutey, son dernier film.
Paroles du réalisateur
J’ai eu cinquante-quatre jours de tournage, ce qui est confortable mais nécessaire à cause d’acteurs âgés qui jouaient au théâtre le soir. L’aîné (le pasteur) a quatre-vingt-quatre ans. Il y a sept comédiens ayant travaillé avec Carl Th. Dreyer principalement dans Ordet, Gertrud, Jour de colère. Je n’ai pas voulu faire un hommage à Dreyer, cela s’est produit presque par hasard. J’ai retrouvé ces beaux visages tous différents qui font passer par le regard, l’intensité, la présence. Ils se complètent. Le général est interprété par Jarl Kulle, le grand comédien de Bergman, notamment de Fanny et Alexandre. »
La présentatrice Cécile Gornet

Cécile Gornet enseigne la philosophie au lycée Henri IV, à Béziers. Elle prépare une thèse sur John Ford à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et est membre du cinéclub biterrois (CCB). Elle est l’autrice de l’ouvrage: « L’écriture de l’histoire au miroir du cinéma: Les westerns de John Ford«