« Poulet frites »Dimanche 19 novembre 10h45

Jean Libon, Yves Hinant (2022) Belgique 1h40

Une prostituée bruxelloise est assassinée . Alain, son ex-compagnon , semble être le coupable idéal. Les enquêteurs enquêtent quand Toutefois, une pièce à conviction va alors tout chambouler : une frite !

Un meurtre, un toxicomane, un flic flegmatique… Une pépite, par deux auteurs de l’émission “Strip-tease”

Cocréateur de l’émission culte franco-belge Strip-tease, pour laquelle ces images avaient été initialement tournées, Jean Libon s’allie ici une nouvelle fois avec l’un des réalisateurs du programme, Yves Hinant, avec lequel il avait déjà mis en scène un long métrage en 2018 : Ni juge, ni soumise. On retrouve d’ailleurs parmi les personnages principaux, outre les deux inspecteurs, la juge qui en était justement l’héroïne. Reconstituant peu à peu le puzzle des événements, le scénario réserve de multiples rebondissements, mettant en évidence l’absurde apparence de certaines situations, les obstacles rencontrés, le découragement des policiers, le flegme impressionnant de la juge, le tout soutenu par un humour des plus réjouissants. Mettant en permanence en exergue l’humanité des personnes composant l’institution, comme celle de l’accusé, le film montre autant les moments clés que les détails du quotidien qui rendent le tout tellement plus vrai que nature

Loin de la gaudriole qu’on pourrait attendre face à un pitch aussi insensé, Poulet frites réussit à convaincre en jouant la carte de l’understatement – autrement dit, celle d’une affaire qui révèle des couches toujours plus ahurissantes mais avance avec tranquillité et componction, tel un jeu de pistes mené en chaussons avec une tasse de café à la main par un type tout juste sorti du lit. On évite ainsi le côté théâtral et les flirts avec le mauvais goût pour rester au plus près de l’anodin, du tangible, en tirer le meilleur parti Libération

Jean Libon, Yves Hinant

Auteurs de l’émission culte: Strip-tease: 850 épisodes de 13 minutes de 1985 à 2002 sur la télé belge puis jusqu’en 2012 à la télévision française. Strip-tease, est iconique : ses créateurs ont imposé à la télévision belge et française une langue nouvelle, à cheval entre le journalisme et le cinéma. Des documentaires comme autant de tranches de vie – des vies d’une extraordinaire banalité, ou d’une banalité extraordinaire, c’est selon. 

Une émission qui fait rire, souvent, qui émeut, parfois, et qui gêne, presque toujours. Parfois accusée de misérabilisme, de voyeurisme, de cruauté, assimilée par ses détracteurs à la télé-réalité, Strip-tease reste aujourd’hui un objet télévisuel non-identifié

Ils réaliseront ensuite « Ni juge , ni soumise » en 2017 le travail quotidien d’une juge d’instruction bruxelloise haute en couleur:Anne Gruwez. que l’on retrouve quelque peu dans poulet frites

L’interview des réalisateurs

Comment aviez-vous choisi le cadre et les personnages à l’époque ?

Jean Libon : Je me souviens avoir dit à Yves : « Et si on faisait un vrai polar ? » Il s’est alors mis en chasse, mais ça a pris près de deux ans juste pour avoir les autorisations de l’institution. Ensuite on a fait un casting pour trouver la juge et le flic, ça a pris encore un an, et puis les essais, ça a pris un an aussi. Ça a pris beaucoup de temps en fait. On avait nos personnages, mais il ne se passait rien. Un lundi, Yves arrive au bureau, décomposé, en mode « J’en peux plus, rien ne fonctionne ». Et je lui dis : « Allez, encore une semaine ». Trois jours après, on avait notre cadavre, et c’était parti. Mais je dois dire qu’on en était presque arrivés au point où je me disais : « Bon, ben on va trouver notre cadavre nous-mêmes ».

L’un des marqueurs du format, c’est l’humour. Est-ce qu’il est déjà là sur le plateau ?

Y.H. : J’ai passé des heures à la cafétéria avec les policiers, et on y rit beaucoup. Quand je vois des films policiers français sans aucun humour, je ne comprends pas. Ces gens vivent une telle violence. Ils ont besoin des blagues pour décompresser. Sans humour, ce n’est pas le réel. Même notre suspect fait des blagues.

Le facteur temps est crucial sur le plateau et dans la salle de montage ?

J.L. : Les choses ne se passent qu’une fois, et il faut être là, et prêt. J’ai toujours dit à mes cameramen : tu filmes tes pieds en attendant, je m’en fous, mais au moment où ça se passe, tu cadres ! Ça prend du temps mais c’est assez simple. Après, le montage, c’est de la technique.

Y.H. : Moi sur le plateau, je suis plutôt régisseur que réalisateur. Je ne suis pas forcément sur la scène, souvent c’est exigu, ou tendu, et le cameraman et le preneur de son savent très bien ce qu’ils doivent faire. Le plus important, c’est de préparer ce qui va arriver, d’avoir bien repéré les personnages, de connaître les gens, de les respecter. D’avoir leur confiance.

J.L. : Le temps, c’est l’élément clé. Je dis toujours que le film est d’autant plus réussi que la poubelle est bien remplie. Il faut jeter, jeter, jeter. Mais c’est un peu compliqué à faire comprendre aux financiers.