« Vierge sous serment » lundi 25 septembre 20h30

Laura Bispuri (2015) Albanie, Italie 1h27, avec Alba Rohrwacher, Fiona Kodheli, Lars Eidinger

Hana a grandi dans un petit village reculé d’Albanie où il ne fait pas bon être une femme. Pour échapper à une encombrante tutelle masculine, elle n’avait qu’une solution dictée par une tradition ancestrale : faire le serment de rester vierge à jamais pour avoir le droit de vivre comme un homme.

Le film se révèle une réflexion assez fine sur l’identité, la féminité, le genre

C’est un premier film vraiment intrigant, qui ne cède à aucune facilité, exigeant, précis, anticonformiste. Laura Bispuri, partant d’une histoire toute simple, la transcende, dévide des multitudes de pistes subtiles, passionnantes. Par couches successives, les épaisseurs de tissu tombent, jusqu’à aboutir à une mise à nu intégrale et touchante de son personnage principal. Vous l’aurez peut-être deviné, l’enfance de Mark fut celle d’une jeune fille éprise de liberté, rêvant d’avoir les mêmes droits que les garçons : arpenter les bois, porter une arme, être considérée comme eux… Droits chèrement acquis au prix de sa féminité, de sa sexualité, en devenant une de ces rares « Vierges sous serment », statut curieusement accepté dans cette société patriarcale. En naviguant d’une époque à une autre de son existence, on assiste à sa mue touchante, complexe… Et c’est paradoxalement en observant la déconstruction progressive de cette vierge sous serment qu’on va peu à peu comprendre comment elle s’est construite. utopia

Le film de Laura Bispuri, adapté du roman de l’albanaise Elvira Dones, ressemble à son personnage, énigmatique  tout d’abord, puis allant vers une lumière aussi inattendue que captivante à mesure qu’il se révèle. C’est que le récit part d’une histoire mystérieuse dont il éclaire la genèse sans renoncer aux multiples replis qui le constituent.  On comprend vite qu’Hana et Lila ont été élevées ensemble, comme des sœurs, qu’elles ont grandi dans ce qu’on appelle les montagnes maudites, au cœur de  l’Albanie, à l’écart du monde. Un pays de sentiers et de silences, d’hommes taiseux et de femmes assujetties. Une terre hors du temps, sans route, où les ânes vont, chargés de colis, où l’on marche à la queue leu leu sur des chemins escarpés, où les mariées sont recouvertes d’un tissu blanc qui masque leurs traits. Le kanun règne ici sans pitié, droit coutumier séculaire qui régit les alliances, les conflits, donne droit de vie ou de mort. Un enfer, surtout quand on appartient au sexe faible, qu’on est tout juste bonne à être mariée. Le père offre alors à l’époux une balle qui pourra tuer son épouse si elle lui a désobéi. Les fusils font la loi, encore faut-il être un garçon pour tirer. Ou avoir renoncé à tout – sexualité, amour, maternité, cheveux – devenant une Vierge sous serments qui donne le sésame pour être traité en homme. Sophie Avon

Laura Bispuri

Née à Rome en 1977. Diplômée en cinéma de l’Université de Rome « La Sapienza », Laura Bispuri est remarquée en Italie grace à ses courts métrages qui remportent de nombreux prix ..Vierge sous serment, son premier long métrage est sélectionné en compétition officielle au Festival du film de Berlin, et remporte plusieurs récompenses dans divers festival. Depuis elle a réalisé: « Ma fille » en 2018 et en 2021 « Il paradiso del pavone ». Alba Rohrwacher joue dans ces trois réalisations

Paroles de la réalisatrice

Vierge sous serment est une exploration de la féminité dans ses milliers de couches et formes contradictoires. J’ai décidé de raconter l’histoire d’une identité divisée. En suivant Hana/Mark, nous franchissons continuellement la ligne entre ses deux identités, évoluant dans différentes dimensions temporelles, différents récits, différents états d’âme. Les vierges sous serment font, au nom de la liberté, un choix qui en réalité les aveugle. Ce point de départ est une invitation à une grande réflexion sur la féminité, en lien avec l’identité et la liberté.