« Sami une jeunesse en Laponie » Lundi 4 décembre 20h30

Amanda Kernell (2017) Suede, Danemark, Norvege 1h50 avec Lene Cecillia Sparrok

Elle-Marja, 14 ans, est jeune fille d’origine Sâmi. Élève en internat, exposée au racisme des années 30 et à l’humiliation des évaluations ethniques, elle commence à rêver d’une autre vie. A quoi devra- t- elle renoncer?.

Un regard sur le colonialisme suédois subtil et déchirant.

Porté par une jeune actrice remarquable, dont l’énergie pourrait rappeler la jeune Emilie Dequenne dans le Rosetta des Frères Dardenne, Sami, une jeunesse en Laponie pose magnifiquement tous les choix complexes et les épreuves auxquels ont dû faire face les Samis et par extension de nombreux peuples autochtones ; il montre bien le renoncement, l’acculturation au profit des dominants et évidemment le racisme qui n’a pas forcément le visage de la haine mais plutôt celui de l’exotisme condescendant. Utopia

Il existe peu de témoignages sur les Samis (le terme de « lapon », jugé trop péjoratif, est désormais proscrit), ce peuple d’éleveurs de rennes, réparti entre Norvège, Suède, Finlande et Russie qui, suite à des modifications de frontières et à des vagues de colonisations, a perdu une grande partie de son territoire et vu ses droits s’amoindrir. Au début du vingtième siècle, ils sont considérés comme une population arriérée. Il faudra attendre les années 70 pour que la Norvège leur accorde le statut de « peuple indigène de Norvège »…….. La caméra se concentre sur cette fascinante héroïne et nous installe dans une absolue complicité de manière à suivre pas à pas cet apprentissage semé d’embûches pour devenir enfin une citoyenne suédoise à part entière.
En explorant un épisode inédit de l’Histoire suédoise, Amanda Kernell propose une réflexion universelle pleine d’empathie et d’émotion sur l’incurabilité des déchirures morales subies par ceux qui, face à une situation extrême, n’ont d’autre choix que renoncer à leur identité d’origine, pour s’assurer une vie meilleure.
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Amanda Kernell

née d’une mère suédoise et d’un père d’origine sami, cette jeune réalisatrice est aussi comédienne et enseignante de cinéma, après quelques courts métrages elle passe au long avec « Sami une jeunesse en Laponie » pour lequel elle recevra le Prix de la meilleure réalisatrice pour un premier film, à la Mostra de Venise. Depuis elle a réalisé en 2020 « Charter » qui n’est pas sorti en France.

Paroles de la réalisatrice

J’ai une mère suédoise et un père sami du sud. Mais certains des anciens de ma famille, ils ne veulent vraiment rien avoir à faire avec les Samis. Ils parlent assez durement et mal d’eux, mais ils sont eux-mêmes Sami. J’ai toujours su qu’ils avaient grandi avec le sâme comme langue maternelle, ne parlant pas du tout le suédois lorsqu’ils étaient enfants, dans le mode de vie traditionnel.

« Mais maintenant, ils ont d’autres noms, prénoms et noms de famille, et ont une autre vie », a ajouté Kernell. «Ils ne veulent rien avoir à faire avec leurs frères et sœurs, leur ancienne vie et leur ancienne identité. Alors je me demandais ce qui s’était passé ? Si vous changez de nom, de langue, de comportement, pouvez-vous vraiment devenir une autre personne ou êtes-vous toujours la même vieille personne à l’intérieur ? D’où viennent cette honte et cette colère ? Qu’est-ce que cela vous fait de couper tous les liens avec votre passé, votre famille et votre culture – une assimilation complète ? »

Dans la Suède des années 1930, le peuple sami était considéré comme une race inférieure. Les enfants des éleveurs de rennes, les enfants Sami, ont été forcés de fréquenter des internats suédois où ils ont appris le suédois et ont été soumis à un « niveau d’éducation inférieur ». À l’époque, la Suède avait créé le premier institut d’État de biologie raciale au monde pour étudier les Samis qu’ils considéraient comme « à tête courte » (les Aryens sont « à tête longue »). Leurs « soi-disant recherches sur la phrénologie ont beaucoup inspiré les Allemands », et les internats ont été le point de départ de ces recherches.

« Cela s’appelait la politique » Un Lapon devrait être un Lapon «  »,a expliqué Kernell. « Ils croyaient que le cerveau [du peuple sami] n’était pas développé pour la vie en ville ou dans la civilisation. [Les enfants sami] partaient de chez eux dans ces pensionnats et ne parlaient que le suédois – ils vous battraient si vous parliez sami – beaucoup d’entre eux ne connaissant pas le suédois au préalable, puis revenaient à la maison avec une famille qui ne parlait pas le suédois. Cette politique n’a aucun sens. Les enfants samis seraient également endoctrinés avec le christianisme et la culture suédoise. Lorsqu’ils ont été renvoyés dans leurs familles, ils se sont sentis aliénés et ont honte de leurs origines. « Ils croyaient aussi que les Samis étaient les seuls à pouvoir réellement profiter de ces montagnes et de l’élevage des rennes. Mais il y a cent ans, les hôtels avaient des panneaux qui disaient « Pas de Lapons »