« La Petite Venise » Lundi 18 septembre 20h30 entrée gratuite

Andrea Segre (2012) Italie 1h 38 avec Zhao Tao (Shun Li), Rade Šerbedžija (Bepi), Marco Paolini (Coppe).

Shun Li travaille dans une usine textile dans la banlieue de Rome afin d’obtenir ses papiers, ce qui lui permettait de faire venir son fils de 8 ans en Italie. Elle est soudainement transférée à Chioggia, une petite île de la lagune de Venise, où elle se retrouve à travailler comme barmaid dans un pub. Bepi, un pêcheur slave surnommé « le Poète » par ses amis, est un habitué de ce pub depuis des années. Leur rencontre est une évasion poétique, un dialogue muet entre deux cultures différentes, mais pas si éloignées. …

Une odyssée attachante qui oscille joliment entre réalisme et onirisme

Tout pourrait les rapprocher mais le monde est tel que tout est fait pour les opposer. Lui est étranger, mais dans le coin depuis trente ans, adopté par la communauté italienne. Elle, c’est autre chose, venue du bout du monde sans rien connaître de l’Italie…..Finalement, pour nos héros, le seul point commun, c’est que Mao est mort et Tito aussi. L’autre point commun est bien sûr l’intensité et la noblesse de leur sentiment.

Nous sommes là dans la postérité du néoréalisme, dont Andrea Segre fait son miel avec talent. Il y a là une flagrante attention aux décors et à ceux qui les occupent. Jamais nous n’avions vu Chioggia saisie aussi justement, on en parle en connaissance de cause. Et puis, il y a ces deux comédiens, Zhao Tao, la comédienne fétiche de Jia Zhang-ke, et Rade Sherbedgia, vu même chez Eastwood et Kubrick. Cela suffit à effacer ce qui pourrait être le pathos mélodramatique du scénario. Jean Roy   (l’Humanité)

Flotte sur tout le film une douce poésie, maintes fois contrariée. Dans les premières images, Shun Li et une amie placent des bougies sur l’eau pour célébrer le poète Qu Yuan ; mais un de leurs compatriotes surgit : « On est en Italie, on s’en fiche. » Lorsque s’esquisse une jolie complicité entre la jeune Chinoise et le vieil Italien, les deux communautés regardent d’un mauvais œil ce franchissement de la démarcation. Modestes entre les modestes, Shun Li et Bepi dérangent l’ordre du monde sans y prêter attention …..Cette relation aussi belle que ténue a pour écrin les quais de Chioggia, une Venise sans les flots de touristes. Plus encore qu’en une autre saison, la lumière y est somptueuse et changeante, chaude lorsque brille un généreux soleil d’hiver, froide quand montent les eaux inquiétantes de l’acqua alta. CORINNE RENOU-NATIVEL  (la Croix )

Andrea SEGRE

Né en 1976. Il a suivi des études en sociologie de la communication à l’Université de Bologne. Depuis plusieurs années, il s’engage dans la coopération internationale et dans des projets interculturels en Italie, Europe de l’Est, Méditerranée et Afrique de l’Ouest. Il a écrit et réalisé plusieurs documentaires,  cherchant toujours à s’attacher aux ethnies, aux peuples et aux cultures en marge. La Petite Venise est son premier long métrage de fiction. Il a ensuite enchainé avec des documentaires et deux fictions dont seul son dernier: « L’Ordre des choses » est sorti en France, un thriller qui amène un policier italien en Libye afin de négocier le maintien des migrants sur le sol africain

Entretien avec Andrea Segre

Le point de départ de ce film est un visage, celui d’une jeune femme qui pourrait être Shun Li. C’était dans une « osteria » vénitienne, le genre d’endroit fréquenté par les pêcheurs du coin depuis des générations. Le souvenir de ce visage, tellement incongru et étranger à ces lieux patinés par les années, ne m’a plus quitté. En observant cette jeune femme, son passé, son histoire, le chemin qu’elle avait emprunté jusque-là… tout devenait source de fiction. Quel genre de relations aurait-elle pu nouer dans une région comme la mienne, si peu habituée aux changements ? 

Identité culturelle

L’idée de ce film naît également de deux exigences, d’une part, celle de parler de la relation entre l’individu et l’identité culturelle, d’autre part, l’envie de raconter deux lieux et deux mondes emblématiques de l’Italie actuelle que sont les banlieues multi-ethniques romaines et vénitiennes


Une petite Venise

Chioggia est une petite Venise sans touristes, une bourgade de la lagune vénitienne d’une beauté noble et magique, avec ses barques, ses cabanons et ses îles. En même temps, comme toutes les villes d’Italie refermées sur elles même, Chioggia est dotée d’une forte identité sociale et territoriale 


Du documentaire à la fiction

Je n’ai pas fait d’école de cinéma et j’ai d’ailleurs longuement hésité entre devenir cinéaste plutôt qu’être chercheur à l’Université… Mes deux parcours professionnels sont liés par le désir profond de raconter la vie et l’histoire des migrants. Alors j’ai commencé à voyager dans des directions opposées, en Europe d’Est en Ouest, des Balkans jusqu’en Afrique. J’avais toujours une caméra avec moi et j’ai commencé à réaliser mes premiers documentaires. Je n’ai jamais eu d’intérêt particulier pour l’immigration chinoise, jusqu’à ce que je rencontre la vraie Shun Li dans le café de Chioggia, là, j’ai compris que son histoire était celle que je souhaitais raconter. Le cinéma est mon arme pour dénoncer, même s’il m’aide à rêver aussi bien sûr