« The Visitor » lundi 06 mars 20h30

Tom McCarthy (2008) Etats Unis 1h45 Avec Richard Jenkins, Haaz Sleiman, Danai Gurira, Hiam Abbass

Professeur d’économie dans une université du Connecticut, Walter Vale, la soixantaine, s’ennuie Au retour d’une conférence, Walter constate qu’un jeune couple s’est installé dans son appartement new-yorkais : lui Syrien, elle Sénégalaise , et la vie de Walter prend une autre tournure…..

Derrière un petit film discret peut s’en cacher un grand, bouleversant. Grand Prix du 34e Festival du Cinéma Américain de Deauville

The Visitor est une œuvre forte, qui séduit par l’intérêt évident de son propos. Sur un vrai sujet d’actualité, et qui plus est universel, Thomas Mac Carthy livre un film plus intimiste qu’on ne pouvait le supposer, en suivant l’itinéraire d’un universitaire bourgeois de la côte Est. Au-delà du schéma établi – la rencontre de deux hommes socialement aux antipodes l’un de l’autre : le WASP propre sur lui d’un côté, le clandestin bohème de l’autre – on se prend d’affection pour ces personnages qui ne cherchent qu’à vivre leur vie. fiche du cinéma

McCarthy ne tombe pas dans l’excès inverse du mélo plombé par une indignation surjouée. Le cinéaste se plaît à montrer les lourdeurs et incohérences de l’administration et se gausse des effets attendus, jusque dans les moindres détails: voir la scène avec l’avocat, merveille de dialogues à rebours des clichés. McCarthy va même jusqu’à s’autoriser une love-story, refusant là aussi de céder aux conventions et autres facilités scénaristiques: l’idylle naissante entre deux personnages que tout oppose n’est pas là pour satisfaire un quota de spectateurs en manque d’eau de rose, mais pour faire avancer une histoire.The Visitor émeut par sa capacité à évoquer sans détour les limites de l’American dream, en remettant sur le tapis une situation devant laquelle ceux – blancs, noirs, latinos, asiatiques – qui ont une Green Card préfèrent fermer les yeux. Lors d’une très belle scène, Zainab évoque ses balades avec Tarek jusqu’à Ellis Island, où les immigrants arrivaient en masse dans l’espoir d’être autorisés sur le sol américain, dans des conditions inhumaines. Ellis Island est aujourd’hui un musée, mais les centres de rétention existent bel et bien Critikat

Thomas McCarthy

D’abord acteur McCarthy en 2003 réalise son premier long métrage, The Station Agent, une comédie dramatique qui remporte trois prix au Festival de Sundance 2003. Ce succès ne l’empêche pas de continuer sa carrière d’acteur, puisqu’il tourne sous la direction de George Clooney , Clint Eastwood …

En 2008, l’acteur revient à la réalisation avec The Visitor, Après des rôles secondaires dans les productions américaines 2012, Thomas McCarthy réalise son troisième film, Les Winners, qu’il écrit et produit. .

Après avoir mis en scène The Cobbler, comédie avec Adam Sandler, le cinéaste s’attelle à réaliser un ambitieux long-métrage sur un scandale impliquant des prêtres pédophiles aux USA mis au jour en 2002 par une équipe de journalistes du Boston Globe. Le film a pour titre Spotlight et remporte l’Oscar du meilleur film et du meilleur scénario original en 2016.

Le cinéaste poursuit en réalisant deux épisodes de la série à succès 13 Reasons Why et le long métrage pour enfants Timmy Failure En 2021 le thriller Stillwater, dans lequel Matt Damon campe un foreur de puits de pétrole dont la fille est incarcérée à Marseille pour un crime qu’elle n’aurait pas commis. Le film est présenté en hors-compétition au Festival de Cannes.

l’interview du réalisateur


Tarek, le personnage de votre film est arrêté pour une bête histoire de ticket de métro. Et les problèmes commencent…


Oui, c’est une des nouveautés de l’administration. Les services de l’immigration sont connectés aux autorités civiles. Donc pour une bête histoire de ticket de parking, par exemple, une personne sans papier sera dénoncée à l’immigration. ça arrive beaucoup. Dans le film, il y a une femme avec un enfant au centre de détention qui tient un bébé devant la glace du parloir. Je l’ai vue en vrai ! Cette femme m’a dit qu’elle habitait aux Etats-Unis depuis 15 ans, qu’elle avait trois enfants, que son mari avait été arrêté pour un excès de vitesse et qu’il allait être déporté dans son pays d’origine. Désormais des familles entières sont éclatées et séparées. Les enfants sont devenus des citoyens américains car nés sur le sol américain, mais quid des parents ? On les renvoie au Mexique ? ça ne peut pas être aussi tranché, il faut trouver une façon plus humaine de gérer ce système.


Dans le film, l’une des phrases qui retient l’attention est celle dite dans le centre de détention : « ça n’est pas juste ! ». Est-ce le seul constat que l’on puisse faire ? Comment le peuple américain pourrait faire bouger les choses d’après vous ?



Je pense que ce que Walter dit n’est pas forcément le réquisitoire le plus construit. Ce n’est pas un homme habitué à extérioriser sa colère et ses émotions prennent visiblement le dessus sur sa raison. Je pense que cette scène parle de sa révolte plutôt que d’un jugement du système en place. Je suis convaincu qu’il trouve cela injuste car il réalise que le système est inhumain. Et, en tant que citoyen américain, ça ne lui semble pas correct. ça lui parait également anormal, qu’en tant que citoyen, il n’ait pas plus d’information sur le sort réservé aux détenus. Je pense qu’il se sent trahi par son propre gouvernement et que ça lui fait perdre sa réserve.

Pour revenir sur les lois d’immigration, je ne cherche pas, dans mon film, à donner une réponse, une orientation. Certes, il faut des lois et il faut des politiques qui les appliquent. Mais la question est « Comment, concrètement, mettons-nous en place ces lois ? Comment peut-on appliquer ces lois avec plus de dignité, d’humanité et de respect ? » C’est ce que toute société civilisée doit se demander. Le problème présenté dans mon film, touche, non pas les classes sociales riches ou pauvres, mais les classes les plus basses de la société, celles qui sont les moins représentées, qui sont sans assistance juridique. En effet, un drogué américain peut bien poignarder une mère de famille et aller en prison, il aura quand même droit à un avocat commis d’office. Mais si un type immigré, qui vient d’Egypte par exemple, essaye d’accéder à une vie meilleure, la société s’en fout ! Lui, même pour une histoire de ticket de métro, n’aura pas droit à un avocat pour le représenter. Il y a quelque chose qui ne va pas là…