« La BM du Seigneur » lundi 28 novembre 20h30

2011 de Jean Charles Hue. ( France). Avec Frédéric Dorkel, Angélina Dauber, Joseph Dorkel France

Chez les Yéniches, communauté de gens du voyage, le respect des aînés et la ferveur religieuse côtoient indifféremment le vandalisme. Fred Dorkel est l’un d’entre eux : craint et estimé par les siens, une nuit, sa vie bascule : un ange lui apparait. Pour Fred, c’est un signe ,Il décide de se ranger, mais ce choix va l’opposer à sa famille…

Ce film à la beauté incandescente parvient à réaffirmer l’appartenance des Yéniches à la communauté des hommes, sans pour autant nier leur altérité. Un film assurément important.

La BM du Seigneur prend appui sur la proximité du réalisateur avec la communauté, qu’il fréquente depuis plusieurs années et avec laquelle il a déjà tourné un certain nombre de documentaires. Il en résulte ici un film hybride, posté au croisement de la fiction et du documentaire ethnologique, un poème cinématographique fait de plans conçus comme autant de gestes tendres : deux mains qui se frottent l’une l’autre, le ventre et la stature d’un obèse, des visages où la vie a passé, des chansons fredonnées à contre-jour, des dialogues – argot romani, français tribal, sociolecte – parfois difficilement audible, où le sens des mots semble moins compter que l’intonation. Reste un indiscutable plaisir à entrer, parce que nous y sommes invités, dans une communauté – un mode de vie et d’habitat – dont la plupart d’entre nous ne savent pas grand-chose, si ce n’est qu’elle n’a pas été à la fête ces dernières années, dans l’hexagone. C’est aussi la force d’un film comme celui-ci.

Jean Charles Hue

Né en 1968, élevé dans un milieu « très français moyen », Jean-Charles Hue dit avoir toujours été attiré par « les cours des miracles ». « Lorsque j’étais enfant, mon père m’emmenait voir des films au Rex. Je me souviens de ce geste du bras qu’il avait pour repousser les bandes de Gitans qui gravitaient autour de l’entrée, pensant me protéger sans doute. Moi, j’étais fasciné par leur façon d’être, leur supposée dangerosité… » Doué pour le dessin, il fera les Beaux-Arts, mais tard, et en tant que cinéaste expérimental. Il a 26 ans quand il y entre, et déjà derrière lui un début de carrière de designer verrier et de styliste de mode.

Cette bifurcation est la conséquence d’un long voyage en Inde et de la profonde remise en question qu’elle lui a inspirée, de l’électrochoc qu’a constitué, au même moment, la découverte de ses origines tziganes. « Un de mes oncles m’a raconté qu’il a été abordé par des Gitans qui portaient le même nom que lui, Dorkel, et pensaient être de sa famille. D’abord sceptique, mon oncle s’est laissé convaincre lorsqu’ils lui ont présenté des photos de son oncle à lui, un type qui tenait un bar à filles en Hollande. Son père, c’est-à-dire mon arrière-grand-père, était un nomade, un vannier, né en Serbie, qui avait déserté l’armée prussienne, épousé une fermière française et passé toute la seconde guerre mondiale enfermé dans une cave, par peur que les Allemands le retrouvent. Personne dans la famille jusqu’alors ne s’était posé la question de savoir s’il était tzigane. »

Galvanisé par la nouvelle, Hue parcourt les camps des gens du voyage et rencontre une autre famille Dorkel, un clan à la réputation sulfureuse dont sont issues certaines « têtes d’affiche du grand banditisme ». Très chrétienne par ailleurs, la tribu l’adopte littéralement et l’embarque à travers la France pour sa tournée annuelle des cérémonies évangéliques. « Mon projet était, dès lors, de devenir voyageur. »

Après la BM il tournera en 2014 « Mange tes morts » chez les Yéniches peuple semi nomade et en 2019 partira au Mexique réaliser « Tijuana Bible »