(1989) Yougoslavie 2h22 De Emir Kusturica Avec Davor Dujmovic, Bora Todorovic, Ljubica Adzovic
Perhan, romanichel orphelin, est élevé par sa grand-mère dans un bidonville de Macédoine. Il tombe amoureux de la fille de la voisine et décide de gagner assez d’argent pour obtenir le droit de l’épouser…….
Burlesque et mélodramatique, Le temps des gitans est une œuvre généreuse
Le film , jamais sinistre, déploie un dynamisme vivifiant, une drôlerie à la frontière de l’absurde, une science de l’euphorie au sein même de la gravité. Il appréhende surtout le folklore tzigane avec beaucoup de précision, pour ensuite l’emmener légèrement au-delà ; en ce sens, Emir Kusturica a cherché à se rapprocher du réalisme magique propre à certains auteurs sud-américains qu’il aimait beaucoup, dont Carlos Fuentes ou Gabriel Garcia Marquez, dans lequel l’élément fantastique s’insinue discrètement dans un cadre a priori réaliste. Antoine Royer
Un film mythique donc, kusturicien par excellence, qui pose les questions fondamentales de la vie et de la mort, et qui brosse un tableau magnifique des Gitans dans lequel nous nous reconnaissons tous. « Étranges étrangers », selon l’expression de Jacques Prévert, sont alors ces modernes nomades en constants déplacements erratiques, supposés sans toit ni loi. Car, d’une manière générale, avec leurs roulottes et leurs décors baroques, leur errance et leur marginalité, ils font peur et dérangent, tout en déplaçant aussi avec eux cette part de rêve que l’art a su si bien magnifier Il était une fois le cinéma
Flot d’images visionnaires, de sons enchanteurs et de divines métaphores, Le temps des gitans reste à ce jour un monument du cinéma mondial, une machine à rire et à pleurer d’une puissance évocatrice gargantuesque, auréolé du prix de la mise en scène à Cannes en 1989.
Entre rêverie et réalisme cru,Le temps des gitans est une oeuvre généreuse et gargantuesque, avec profusion de rires et de larmes.Avoir-alire
Emir Kusturica
est né en 1954 à Sarajevo. Bien que bosniaque musulmane, sa famille a des origines slaves orthodoxes. Ses parents décidèrent à 18 ans de le protéger de ses fréquentations peu recommandables et de l’envoyer apprendre le cinéma à Prague.
Apprécié pour ses premiers courts métrages , il passe au long avec en 1981 Te souviens-tu de Dolly Bell ? , premier film yougoslave qui est tourné en bosnien, et non pas dans la langue officielle du pays, le serbo-croate .Puis en 1985 , Papa est en voyage d’affaires, dénonçant les déportations politiques de la Yougoslavie communiste, sujet hautement tabou encore à l’époque, peu après la mort de Tito.
Après la Palme d’Or de Cannes pour ce film, Il joue de la guitare basse dans un groupe de punk-rock de Sarajevo : le Zabranjeno Pušenje (interdiction de fumer). Le groupe est subversif, les paroles des chansons corrosives, le style éclectique.
Il réalise ensuite en 1988 Le temps des gitans, après avoir lu des articles sur des gitans qui faisaient de la traite d’êtres humains. Il se penche sur la question, et avec un journaliste, il passera de longs mois dans l’un des plus grands camps gitans d’Europe, près de Skopje en Macédoine. A la fin du tournage, le réalisateur tchèque Miloš Forman l’appelle à New York où Le montage du Temps des Gitans y sera terminé.
Là c’est en anglais qu’il tournera en 1993: Arizona Dream. Mais pendant ce temps, la guerre éclate dans les Balkans. Murat, le père d’Emir Kusturica décède d’une crise cardiaque peu de temps après que la maison de famille ait été saccagée. La famille se réfugie alors au Monténégro. Il se lance alors dans son œuvre la plus ambitieuse : Underground où il tisse l’histoire des 50 ans de son pays, depuis la seconde guerre mondiale jusqu’à l’actualité la plus récent sous une forme burlesque. et si le film provoque la polémique : il est accusé d’être nationaliste pro serbe en pleine guerre, cela ne l’empêchera pas d’obtenir sa deuxième Palme d’or . Fatigué par ces débats Il déclare également vouloir arrêter le cinéma.
Rapidement, Emir Kusturica revient sur sa décision et décide de verser plutôt dans des sujets plus légers,: Chat Noir, Chat Blanc, Super 8 Stories : documentaire sur la tournée de son groupe rebaptisé : No Smoking Orchestra. Ensuite il repart sur un nouveau tournage pour en 2004 La vie est un miracle, et Emir tombera amoureux des paysages de Mokra Gora . Une fois le film terminé, il y fera construire un village en bois: Küstendorf, où il tournera Promets-moi.
Symbole de son éclectisme, Emir Kusturica a mis en scène à Paris en 2007, à l’opéra Bastille, une version ”punk opéra” de son film Le temps des gitans. On the Milky Road avec Monica Bellucci (2017est sa dernière réalisation.
Plus problématique E. Kusturica fait reconstruire, pour tournage, à l’identique une partie de la ville décrite par l’écrivain d’Ivo Andric dans son livre : Andricgrad, près de l’actuelle Visegrad, à quelques mètres du célèbre Pont sur la Drina. Certains habitants bosniaques de la région voient dans ce projet la continuation de la politique nationaliste serbe visant à « refaire » l’histoire en s’appropriant un pont à l’identité ottomane et au passé multiculturel. Et ce, d’autant plus que, pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine, de nombreux civils furent égorgés sur ce pont puis jetés dans la Drina.