Lyes Salem, avec: Lyes Salem, Sarah Reguieg, Mohamed Bouchaïb… 1h32 (Algérie)
Tout le monde se moque de La sœur, de Mounir qui s’endort à tout bout de champ.
Un soir, alors qu’il rentre soûl de la ville, Mounir annonce sur la place du village qu’un riche homme d’affaires étranger a demandé la main de sa sœur. Du jour au lendemain, il devient l’objet de toutes les convoitises. Aveuglé par son mensonge, Mounir va sans le vouloir changer le destin des siens..
Lyes Salem ne cache pas ce qu’il doit à la fois au théâtre classique et aux cinémas venus de pays qui passent à l’âge industriel : l’Italie des années 1950, l’Égypte dix ans plus tard. Ces exemples servent de boussole à Mascarades, sans empêcher le film de trouver un ton singulier, qui trouve son harmonie dans une satire douce mais efficace de la société algérienne d’aujourd’hui, comme on ne l’a pas encore vue au cinéma. Plutôt que de fouailler là où ça fait mal, le scénario de Lyes Salem et Nathalie Saugeon se contente d’allusions à la religion ou à la politique .Thomas Sotinel
Les apparences sont souvent trompeuses, tel est l’adage habilement développé par Lyes Salem dans cette œuvre divertissante où d’autres jeunes comédiens ont pu affirmer leur talent. Ce film rend également un bel hommage au paysage de la région de Mechouneche, dans la wilaya de Biskra, El Moudjahid
Mascarades repose, comme la comédie classique qu’elle est, sur le malentendu. Le génie de Lyes Salem, Franco-Algérien de 36 ans venu du conservatoire, est d’avoir su mettre ce schéma du malentendu en questionnements et reconfigurations pertinents, à l’instar d’un Molière ou d’un Goldoni – qu’il cite volontiers. ……….Avec un brio désopilant, la fable s’attaque à la fois au qu’en-dira-t-on et surtout à la confusion des valeurs,…….. Si bien que ce n’est pas tant le rapport des anciens colonisés à ceux qu’ils appellent par dérision les «civilisés» qui est mis en scène, que les simulacres produits par le désarroi économique et politique de l’Algérie. Libération
Afrik.com : L’idée de ce scénario assez burlesque qu’est Mascarades est née comment ?
Lyes Salem : C’est parti d’une pièce de théâtre, Journées de noces chez les Cro-Magnon de Wadji Mouawad, que j’avais montée quand j’étais au Conservatoire. J’ai conservé le noyau dur de cette pièce : la narcolepsie de la mariée. Je l’ai mis dans un petit village algérien et cela m’a permis de traiter d’autres thèmes qui sont liés à l’Algérie, à ma vie en France et à ma vision de la société en général.
Afrik.com : Mascarades est votre vision de l’Algérie qui se décline au travers de chacun des protagonistes de cette histoire. Vous évoquez les problèmes tout en restant objectif et positif ?
Lyes Salem : Il y a beaucoup d’allégories et de symboles dans mes personnages. Quand on connaît un peu l’histoire de l’Algérie, on se rend compte que le peuple s’est souvent fait avoir. Mon film est une déclaration d’amour à tous ces gens. Il ne s’agissait pas de laisser les problèmes de côté. Il y a par exemple une hypocrisie dans le rapport au sexe en Algérie. Mounir ne veut pas en entendre parler quand il s’agit de sa sœur Rym, mais sa femme a vite fait de lui rappeler qu’il n’a pas de leçons à donner en la matière. En Algérie, c’est devenu tabou alors qu’il est normal de faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime.
Afrik.com : Avec Rym et Habiba, la sœur et la femme de Mounir, vous dépeignez aussi des femmes algériennes qui se laissent faire seulement en apparence ?
Lyes Salem : Les femmes dans le film jouent le jeu social. En public, elles sont derrière Mounir et elles se taisent. C’est ce que demande la société algérienne, mais à la maison les choses se rééquilibrent parce que ce ne sont justement pas des femmes qui se laissent faire. Les femmes algériennes, dans les années 90 quand l’Algérie a manqué de sombrer dans l’islamisme, ont eu le courage de braver les interdits, de sortir dans la rue, de s’engager politiquement. J’ai gardé l’espoir durant ces années de terrorisme grâce à ces femmes et j’avais envie de leur rendre hommage.
Afrik.com : Exprimer votre métissage, que vous assumez pleinement, passe-t-il, entre autres, par le fait de tourner en Algérie ?
Lyes Salem : Dans ce film, oui. C’est une histoire algéro-algérienne produite par une Française. Il y a une mixité, une schizophrénie, si l’on veut. Tout mon travail pendant un certain temps sera d’arriver à me détacher de ça. Mais aujourd’hui, il me paraît compliqué d’imaginer des histoires sans interroger cette double identité. Du côté algérien, comme du côté français, il y a beaucoup de non-dits mais les choses sont fortement ressenties. Je ne suis pas le seul à être le réceptacle de tout cela.