Mohamed Diab (2012) Égypte 1h40 Avec Nahed El Sebaï , Bushra Rozza , Nelly Karim ,
Trois femmes d’aujourd’hui, aux vies totalement différentes, s’unissent pour combattre le machisme impuni qui sévit au Caire dans les rues, dans les bus et dans leurs maisons. Essam mène l’enquête. Qui sont ces mystérieuses femmes qui ébranlent une société basée sur la suprématie de l’homme ?
Chacune à sa façon, les trois interprètes, émouvantes et fortes, ajoutent de la complexité à leurs personnages. Car ces Femmes du bus 678 sont tout sauf de la chair à mélo. Quand leurs vies se croisent, leurs colères qui se joignent dépassent ce qu’elles ont subi Cécile Mury
Dans ce film choral rythmé, le harcèlement est montré comme un phénomène banal, récurrent. Assez finement, le message féministe et humaniste de Mohamed Diab évite les clichés, en montrant conjointement les inégalités et l’ampleur sociale du phénomène (Seba peut faire son footing cheveux au vent, tandis que Fayza se couvre entièrement pour sortir dans la rue). Et celle qui semble être la plus passive est la première à se révolter.
Outre le personnage simpliste du gentil inspecteur, ce sont finalement les hommes qui apparaissent comme de tristes victimes – de leurs frustrations, des codes de virilité et de l’honneur. Libé
Mohamed Diab
Après des études commerciales, il reprend des études à la New York Film Academy. Scénariste il participe à l’écriture de plusieurs films qui rencontrent le succès, dont El Gezira (The Island) considérée comme l’un des plus grands succès commerciaux du cinéma égyptien. Pour son premier long métrage comme réalisateur, il s’est inspiré d’un fait de société réel, datant de 2008 : le premier procès intenté par une femme en Égypte pour harcèlement sexuel. Son deuxième long-métrage, Clash , un thriller , aborde le sujet de l’intégrisme musulman .
Quelles ont été les principales difficultés ?
Le premier problème a été le casting : la plupart des vedettes refusaient de tourner dans un film qui parlait de harcèlement sexuel. Ensuite, pour recueillir des témoignages : 90% des femmes qui ont connu ce genre de situation n’osent pas en parler, même pas à leurs amies. Cela m’a pris beaucoup de temps. J’ai découvert que de nombreuses femmes très proches de moi en avaient été victimes. Et puis il y a eu le jour où l’une des actrices s’est fait agresser par des supporteurs à la sortie d’un stade. Nous avions décidé de tourner une scène dans la rue, le jour d’un gros match. Le mari de l’actrice était réticent, il avait peur pour elle, alors nous avons pris une doublure. Nous voulions juste filmer une scène de liesse. Mais soudain, la jeune fille s’est fait agripper. Elle est passée de mains en mains, c’était complètement animal. Les caméras ont été éjectées. Et à ce moment, la scène de fiction est devenue réalité. A chaque fois qu’il y a une foule, il y a un problème. C’est une des choses qui m’a fait prendre conscience que je n’étais pas en train d’inventer, d’exagérer un phénomène, comme beaucoup me le disaient.
Pensez-vous que le féminisme soit le privilège d’une classe ?
Évidemment, les catégories aisées ont plus accès à ce type de pensée, mais la révolution a ouvert des portes. Les classes et les sexes se sont mélangés pour manifester. Dans ce film, j’ai choisi de mettre en scène des femmes de milieux différents pour qu’on ne m’accuse pas de servir des clichés. Le harcèlement sexuel touche toutes les femmes. Quand j’ai été attaqué de toutes parts à la sortie, je me suis dit OK, j’ai fait du bon boulot.
Quelles sont, selon vous, les causes du harcèlement en Egypte ?
C’est un problème international. Il y a un stigmate sur chaque femme qui s’est fait agresser : elles en ont honte et se sentent coupables. Partout où je montre le film, je vois des réactions incroyables, surtout en France d’ailleurs. Les femmes pleurent et viennent me dire : «Ça m’est arrivé à moi aussi.»
En Egypte, le phénomène est amplifié par la tradition. Si une fille dit à ses parents qu’elle s’est fait harceler, ils ne la laisseront plus se rendre à l’école, son mari l’empêchera d’aller au travail. Ou il la quittera, comme c’est le cas dans le film. On éduque les garçons avec l’idée que leur honneur est blessé si l’on s’attaque à leur femme, à leur sœur, à leur mère.
Quelle était la place des Égyptiennes dans les manifestations, pendant la révolution ?
La place Tahrir était parfois si bondée qu’il était impossible de se retourner pour voir derrière soi. Mais à ma grande surprise, les femmes y étaient respectées. Le patriotisme et le fait de penser que l’on est en train de risquer sa vie avaient réveillé le meilleur côté des individus. Et puis la journaliste Lara Logan s’est fait agresser, et tout est revenu à la normale.