Immense acteur de cinéma et de théâtre, producteur et réalisateur aussi, Michel Piccoli, né en 1925,est le fils d’Henri Piccoli,,violoniste d’origine tessinoise (Suisse), et de Marcelle Expert-Bezançon,,pianiste sans gloire cadette d’une fratrie de douze , à la fortune évaporée. "Je n'ai été blessé qu'à travers les souffrances de ma mère, c'est pourquoi j'ai une espèce de négligence, de mépris pour l'argent"
Michel fait ses débuts comme figurant au cinéma, en 1945, dans Sortilèges, un film de Christian-Jaque. Il prend des cours de théâtre chez Andrée Bauer-Thérond, puis au cours Simon et trouve un premier rôle dans Le Point du jour (1949), de Louis Daquin.

En parallèle de débuts remarqués au cinéma, notamment dans French Cancan (1954), de Jean Renoir, Michel Piccoli poursuit une activité prolifique au théâtre. Elle lui fera rencontrer, au long de sa carrière, les metteurs en scène dramatiques les plus en vue : Jacques Audiberti, Jean Vilar, Jean-Marie Serreau, Peter Brook, Luc Bondy, Patrice Chéreau ou encore André Engel.
En plus du théâtre, cet acteur précis et rigoureux, dont le jeu se teinte souvent d’ironie, s’est aussi fait un nom grâce à la télévision. On l’a vu, durant les années 1950, dans des téléfilms réalisés par Stellio Lorenzi (Sylvie et le fantôme), Marcel Bluwal (Tu ne m’échapperas jamais) ou encore Jean Prat (L’Affaire Lacenaire).

Michel Piccoli rencontre, en 1956, Luis Buñuel, et endosse l’habit religieux dans La Mort en ce jardin (1956).C’est le début d’une collaboration fructueuse de plus de vingt ans. Ensemble, ils vont tourner six autres films : Le Journal d’une femme de chambre (1964), Belle de jour (1967), La Voie lactée (1969), Le Charme discret de la bourgeoisie (1972), Le Fantôme de la liberté (1974) et Cet obscur objet du désir (1977).
Pour Buñuel, Piccoli est tour à tour un bourgeois frustré et libidineux, un client de maison close manipulateur et même un préfet de police qui endigue une manifestation révolutionnaire

Entre-temps, les années 1960 auront véritablement marqué le début de sa consécration. Remarqué en gangster, face à Jean-Paul Belmondo et Serge Reggiani dans Le Doulos (1962), de Jean-Pierre Melville, il s’impose dans Le Mépris (1963), de Jean-Luc Godard auprès de Brigitte Bardot.

A cette même époque, il se lie d’amitié avec Boris Vian et Jean-Paul Sartre. Toujours au cours des années 1960, il tourne avec René Clément (Paris brûle-t-il ?, 1966), Alain Resnais (La guerre est finie, 1966), Roger Vadim (La Curée, 1966), Alain Cavalier (La Chamade, 1968), Jacques Demy (Les Demoiselles de Rochefort, 1967) ou Alfred Hitchcock (L’Etau, 1969). Un éventail qui témoigne de l’étendue de son registre et de son talent, en même temps que d’un abattage impressionnant, vaillamment maintenu jusque dans les années 2000 avec Habemus papam de Nanni Moretti
Michel Piccoli, éclectique, est aussi un acteur fidèle à ses réalisateurs. En plus de Luis Buñuel, il tourne avec Marco Ferreri de Dillinger est mort à Contes de la folie ordinaire, sept films avec le subversif réalisateur milanais. Le point d’orgue de cette collaboration est, bien sûr, La Grande Bouffe.
Dans le même registre, il incarne, teint en roux et réduit à un hurlement, la force primale du grand chambardement révolutionnaire dans le très singulier Themroc (1973) du réalisateur français Claude Faraldo qu’il tourne bénévolement.

Avec Claude Sautet, qu’il rejoint dès les années 1970. Michel Piccoli apparaît dans cinq de ses films, , dont Les Choses de la vie (1970), aux côtés de Romy Schneider, ou Vincent, François, Paul et les autres… (1974),Max et les ferrailleurs (1971).
Autre fidélité connue de Michel Piccoli à un réalisateur, le Portugais Manoel de Oliveira, qui a tourné des films jusqu’à la fin de sa vie, en 2015, à l’âge de 106 ans. de Party (1996) à Belle toujours (2006), suite rêvée de Belle de jour, , en passant par Je rentre à la maison (2001
Michel Piccoli aura aussi, au cours de sa carrière, choisi de donner sa chance au jeune cinéma français, représenté par des réalisateurs comme Jacques Doillon (La Fille prodigue, 1981) ou Leos Carax (Mauvais Sang, 1986). Il retrouvera d’ailleurs ce dernier, en 2012, pour le très beau Holy Motors.
On peut citer encore Milou en mai, de Louis Malle (1990), ou La Belle Noiseuse, de Jacques Rivette (1991), où il joue un peintre exigeant. Réalisateur de Alors voilà (1997, La Plage noire (2001), et C’est pas tout à fait la vie dont j’avais rêvé (2005), des films qui signalent la fantaisiste noirceur qui l’habite.
Michel Piccoli a vécu une existence frondeuse et aventurière, s’est essayé à tous les genres de cinéma, a côtoyé les plus grands auteurs (Claude Chabrol, Raoul Ruiz, Agnès Varda, Theo Angelopoulos), et son engagement politique et citoyen n’a jamais fléchi. Pour lui, le cinéma servait à rendre compte des désordres et des délires de notre société.
Sources: article de Sandrine Marques (Le Monde), article de Julien Gester (Libération)