« Les Siffleurs » de Corneliu Porumboiu

Si vous aimez les histoires linéaires, claires dans leurs enjeux, sans palinodie, évitez ce film, par contre si vous aimez un cinéma inventif à la construction déroutante, le double voire le triple jeu des personnages, les faux semblants, ce film où vous découvrirez un moyen étrange et ancestral de communiquer, est fait  pour vous.

En effet « Les Siffleurs » accumulent toutes sortes de langage dont il en interroge la manifestation, la propagation, la probité.

Celui du film noir avec sa femme fatale, un zeste de comédie romantique et un humour sous-jacent avec des clins d’œil à « Psychose », « Gilda » aux westerns et aux films de Porumboiu lui-même dont « Policier Adjectif », un interprète commun, Vlad Ivanov au rôle  peu loquace qui se nomme Cristi.  Des images captieuses, des langues parlées : Roumaine, Espagnole, Anglaise aux paroles corruptrices, trompeuses, excepté le Silbio, langue sifflée, utilisée depuis des milliers d’années sur l’île de Gomera (une des îles Canaries).

A qui se fier même pas aux personnages, scénaristes de fiction qui organisent vainement leurs entourloupes. Tout ce qui touche au cinéma fait long feu : réalisateurs éliminés ou arrêtés, studio de cinéma à l’abandon lieu d’un règlement de comptes dans lequel la scénariste doit intervenir pour terminer la séquence. Sans compter des cadres dans les cadres qui deviennent des miroirs déformants.

La musique est un pur bonheur venant avec malice en contre point de l’action, avant d’illustrer un final absolument fabuleux (il faut rester durant le générique) où musique et lumière se répondent nous plaquant sur notre fauteuil dans un statut d’auditeur-spectateur.

Une vraie aubaine pour les curieux, jamais lassant, ce film nerveux, découpé en chapitres, chacun ayant une dominante couleur différente, à l’esthétique soignée, fait douter des apparences aussi bien au cinéma que dans le réel, ce qui ne peut qu’être salutaire alors que simple citoyen nous sommes saturés d’informations.

Polar facétieux et récit déconstruit à la croisée des genres, l’enthousiasmant nouveau film du Roumain Corneliu Porumboiu suit les alliances et trahisons indémêlables d’un flic ripou aux prises avec des narcos des Canaries, une femme fatale et quelques mirages………………… ; le cinéma en général, et roumain en particulier, ne peut pas grand-chose pour un présent insaisissable, ni contre la corruption endémique de la société, sinon apporter quelque consolation à celui qui entre tous les pourris aura eu le seul sursaut de souci du sort d’autrui  Julien Gester  (Libération)