Ken Loach, (2008) 96mn avec Kierston Wareing, Juliet Ellis, Prix du scénario à la Mostra de Venise pour le scénariste:Paul Laverty.
Angie se fait virer d’une agence de recrutement pour mauvaise conduite en public. Elle fait alors équipe avec sa colocataire, Rose, pour ouvrir une agence dans leur cuisine. Avec beaucoup d’immigrants en quête de travail, les opportunités sont considérables….
Cette mise en scène, efficace , amène le réalisateur à opter définitivement pour l’action: il évite la dénonciation stylisée par le discours, les discussions stériles qui auraient essoufflé le récit. Par des petites saynètes, il nous fait saisir l’âpreté de la vie des travailleurs immigrés, la clandestinité, l’angoisse de l’accident du travail, sans verser dans la caricature (il raconte même avoir plutôt édulcoré l’horreur de la situation de ces immigrés, dont il avait pourtant entendu des récits terrifiants). Ainsi, tous ces personnages servent le récit (Critikat)
Il y a quelque chose d’implacable, et de désespérant, dans ce constat d’une exploitation des pauvres par les pauvres, chacun œuvrant pour sa survie, œil pour œil, chacun ayant ses raisons. L’une de celles d’Angie est son statut de mère célibataire, acharnée à prouver à la société (famille, administration) qu’elle a des revenus stables et une identité sociale crédible pour pouvoir élever un fils dont on lui refuse la garde. Du côté des prolétaires, Ken Loach ne juge pas Angie, il juge le système qui réveille son égoïsme, lui donne des alibis pour commettre l’inadmissible. (Le Monde)
Loach ne peut soutenir bec et ongles la cause d’Angie tout le long du film, et pourtant il la suit dans sa course échevelée contre le système en essayant de comprendre l’engrenage infernal qui la happe, d’intégrer intimement sa complexité et ses vices, c’est-à-dire la façon dont peuvent être repoussées, mine de rien, les limites de l’éthique. A ce titre, le film, aussi étonnant qu’effrayant de lucidité, opère un véritable tour de force. Loach est loin de s’enliser dans un système et semble au contraire soucieux de s’accorder le plus justement possible aux discordances du monde, quitte à bousculer ses propres repères et à commettre quelques maladresses. C’est ce qu’on appelle se mouiller. (Inrock)
La force du propos est là dans ce film pour bouleverser et révolter..
Kierston Wareing
est originaire de Leigh-on-Sea dans l’Essex et a suivi la formation du Lee Strasberg Theatre and FilmInstitute à New York pendant trois ans, de 1997 à 2000. .
« J’étais en train d’étudier pour devenir secrétaire juridique, parce que j’étais sur le point d’abandonner le métier d’actrice, même si c’est ma vraie passion. Pour être honnête, cela fait dix ans que je me bagarre pour exister. Tant de fois, j’ai été sur le point d’être choisie, nous n’étions plus que deux ou trois, et puis ça n’a pas marché… Je m’étais dit que si cette fois cela ne se faisait pas, je laissais tomber. Et puis mon agent m’a appelée et d’une voix bouleversée, m’a annoncé que j’avais le rôle. Je n’ai même pas crié de joie, j’étais sous le choc. Et je lui ai demandé si c’était vraiment sûr.
Paroles du réalisateur
« Nous avons vu Kierston Wareing six ou sept fois, et chaque fois, elle s’est révélée brillante, toujours intéressante, amusante,racée et surprenante. C’est en plus quelqu’un d’extrêmement agréable, ce qui aide quand vous êtes amené à travailler très étroitement avec cette personne. Nous cherchions une comédienne qui ait la capacité d’apparaître non seulement sympathique, mais aussi impitoyable. Il fallait qu’elle soit dure,qu’elle ne fasse pas de sentiment. Kierston réussit très bien à faire passer cela dans ses yeux. »
Ken Loach
Né en 1936 il étudie d’abord le droit à Oxford avant d’intégrer une troupe de théâtre. Dans les années 1960, Ken Loach fait ses débuts à la télévision, derrière la caméra, avant de passer au cinéma à la fin des années 1960. En 1969, il réalise ainsi « Kes« , très remarqué à sa sortie. Dans les années 1970 et 1980 s’ il marque les esprits par des films comme « Family life » en 1971 c’est durant les années 90 qu’il connait le succès avec de nombreux films à forte connotation sociale et historique, à l’instar de « Riff-Raff« , « Carla’s Song« , « Raining Stones« , « Ladybird » ou encore « Land and Freedom« . C’est au cours de cette période que Ken Loach obtient pas moins de deux prix du jury au festival de Cannes . Continuant sur sa lancée, Ken sort en 2001 « The Navigators« , en 2002 « Sweet Sixteen », et en 2004 « Just a kiss », l’histoire d’une relation entre deux personnes appartenant à des communautés différentes. En 2006, Ken Loach reçoit la palme d’or du festival de Cannes pour « Le vent se lève » qui traite de la guerre d’indépendance irlandaise. L’année suivante, il réalise « It’s a Free World« , avant de sortir en 2009 « Looking for Eric », et en 2010 « Route Irish« . Ensuite se succèderont plusieurs réussite comme « La Part des anges », Moi, Daniel Blacke« . Son dernier opus » Sorry We Missed You » était présenté à Cannes 2019,
Certains retournent leur veste par opportunisme. Ou par simple lassitude. Pas lui. L’Anglais Ken Loach ne faiblit pas. Il hait toujours, plus que jamais, les tièdes qui, au nom de la raison d’Etat, de la raison tout court, rendent tolérable l’injustice. Ken, lui, croit encore aux jours meilleurs, voire aux lendemains qui chantent. S’il n’en reste qu’un, ce sera lui : le dernier des Mohicans. On devrait le protéger, telle une espèce rare. Le cloner, même...(Pierre Murat, Télérama)