« Les Glaneurs la glaneuse » Lundi 9 octobre 20h30

Agnès Varda (2000) France-1h22

Un peu partout en France, Agnès Varda a rencontré des glaneurs et glaneuses, récupérateurs, ramasseurs et trouvailleurs. Par nécessité, hasard ou choix, ils sont en contact avec les restes des autres. Leur univers est surprenant. On est loin des glaneuses d’autrefois qui ramassaient les épis de blés après la moisson. Patates, pommes et autres nourritures jetées, objets sans maître et pendule sans aiguilles, c’est la glanure de notre temps. Mais Agnès est aussi la glaneuse du titre et son documentaire est subjectif. La curiosité n’a pas d’âge. Le filmage est aussi glanage.

Varda applique à son film son sujet même : elle glane des plans au hasard, comme ils tombent, au fil de la route, au petit bonheur d’une rencontre de passage. Sans se faire prier, avec plaisir même, elle bouscule sans arrêt le plan de tournage, ajoute et récupère. Cela sonne rarement comme un procédé, c’est en tout cas son principe, bien connu dans la fiction depuis au moins Rossellini et Godard : moins le plan de tournage sera respecté à la lettre, plus réussi sera le film. Glaner, c’est filmer et ce geste, si Varda le comprend si bien, c’est qu’elle le reconnaît. (Cahiers du cinéma)

Il souffle un agréable air de liberté sur Les Glaneurs et la glaneuse en grande partie dû à l’esprit d’indépendance qui anime son auteur. Cinéaste citoyenne, Agnès Varda n’en est pas moins une fine esthète qui sait capter et s’attarder sur les plus discrètes beautés de notre environnement, comme le violet éclatant des pousses de pommes de terre en germe, ou le brun uniforme d’un champ en friche. Parfois, le propos se fait plus intime, avec des pointes autobiographiques sur « la glaneuse à la caméra », Varda elle-même, qui scrute courageusement en gros plan ses mains abîmées par la vieillesse.
Mine de rien, Les Glaneurs et la glaneuse nous offrent un précieux portrait de la France à l’orée du nouveau millénaire. Il fallait bien toute la sensibilité d’une Agnès Varda pour le composer…
(Elysabeth François / Chronicart)

Le mouvement de ce « documentaire-routard-en voiture » est à la fois géographique (tous les coins de France, de la Provence à la banlieue parisienne), historique (le glanage, du Moyen Age à l’an 2000), social (on rencontre un riche viticulteur et un Rmiste, un grand chef et des clochards, des hommes de loi et de jeunes va-nu-pieds…), juridique (le droit de glaner depuis la création du code civil), esthétique (de la grande peinture à l’art brut de la récup’)… Grâce à Varda, on apprend par exemple la distinction entre glaner (se baisser pour ramasser les choses qui poussent vers le haut, comme le blé) et grappiller (cueillir ce qui pousse vers le bas, comme les figues). (Inrock)

Paroles d’Agnès Varda

« Le monde des vrais gens m’a toujours passionné. Je trouve beaucoup d’inspiration dans la réalité des gens, particulièrement ceux qui sont différents de moi, ceux qui sont démunis. On apprend beaucoup plus d’eux que de nos voisins qui sont comme nous. « 

« Dans la vie, il y a les curieux et les inertes, moi je suis de la première catégorie. Il y a beaucoup de choses qui m’intéressent, je suis toujours en contact avec ce qui m’intéresse. La curiosité, c’est un délice, c’est une base de vie ! » 

Agnès Varda

Née à Ixelles (Bruxelles) en 1928, Agnès Varda passe sa petite enfance en Belgique avec ses quatre frères et soeurs. La guerre en 1940 pousse la famille jusqu’au sud de la France. Adolescence à Sète puis à Paris


En 1949, Agnès Varda rejoint en Avignon le Sétois Jean Vilar, qui créa deux ans plus tôt le célèbre Festival de théâtre. Se faisant connaître grâce à ses clichés de Gérard Philipe ou Maria Casarès, elle choisit deux acteurs du TNP, Silvia Monfort et Philippe Noiret (débutant au cinéma) pour son premier long métrage, La Pointe courte, monté par le jeune Resnais. La Pointe courte, qui lui vaudra plus tard le titre de « Grand-mère de la Nouvelle Vague ».

Adepte du coq-à-l’âne, du collage et du calembour, Agnès Varda sait aussi se faire le témoin de son époque, évoquant les luttes féministes dans L’Une chante, l’autre pas ou la condition de ceux qu’on ne nomme pas encore SDF dans Sans toit ni loi : au terme d’un tournage éprouvant pour la toute jeune Sandrine Bonnaire, le film remporte le Lion d’or à Venise. En sus parmi les 36 films écrits et réalisés par Agnès, alternant courts et longs, documentaires et fictions, les plus connus sont : Cléo de 5 à 7 (1961), Le Bonheur (1964), Jacquot de Nantes (1991), Les Glaneurs et la glaneuse (2000), Les plages d’Agnès (2008), Agnès de-ci de-là Varda (2011), Visages Villages (2017, co-réalisé avec l’artiste JR).

Elle consacre 3 films précis et précieux (dont Jacquot de Nantes en 1991) à son défunt mari Jacques Demy. Auréolée d’un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière en 2001, elle s’essaie ensuite à l’art contemporain à travers expositions et installations.