« Les Estivants » Mercredi 27 mai 20h30

Valeria Bruni-Tedeschi, France 2h08. AvecValeria Bruni Tedeschi, Pierre Arditi, Valeria Golino, Yolande Moreau, Noémie Lvovsky

Pendant les vacances, Anna et sa fille arrivent au milieu de sa famille, leurs amis, et des employés, Anna doit gérer sa rupture toute fraîche et l’écriture de son prochain film. Derrière les rires, les colères, les secrets, naissent des rapports de dominations, des peurs et des désirs.

Une comédie cruelle et mélancolique qui flirte avec Tchekhov et Gorki

Le récit, articulé autour de trois actes et d’un épilogue, adopte dans un premier temps le rythme d’un huis clos paisible. Avant de s’enfoncer dans la parodie caustique des habitants de cette demeure somptueuse où s’entremêlent discrètement domination, désappointement, bassesse et indifférence sur fond de lutte des classes, il nous laisse admirer ce décor de rêve avec son accès direct à la mer et sa terrasse impressionnante. Puis Anna (Valeria Bruni Tedeschi dont la prestation éternellement burlesque et tendre provoque à la fois agacement et émotion), jusqu’alors personnage central, s’efface au profit de la vingtaine de comédiens dont elle a su s’entourer. On se réjouit alors de la vivacité de Valéria Golino avec qui elle forme un duo de sœurs épatant, de la jubilation évidente de Pierre Arditi à enfiler ce costume de patron de droite à la fatuité réjouissante, du jeu en demi-teinte de Bruno Raffaelli, de la faconde de Yolande Moreau et du talent sans cesse renouvelé de cette belle galerie de portraits. (Avoir à lire)

C’est une histoire ! C’est une fiction ! » : Anna a beau le répéter sur tous les tons, personne n’est dupe. Le film que le personnage joué par Valeria Bruni Tedeschi est en train d’écrire ressemble beaucoup à sa propre vie. A celle d’Anna et à celle de Valeria… Comme pour Il est plus facile pour un chameau…, Actrices et Un château en Italie, la réalisatrice franco-italienne malaxe une matière très autobiographique pour créer un cinéma hybride, où l’imaginaire s’infiltre petit à petit et finit par s’imposer. (Télérama)

Le sujet est très fort, rarement abordé avec cette cruauté au cinéma : la rage sauvage, l’incompréhension destructrice de la femme amoureuse abandonnée par l’homme qu’elle aime. La femme, c’est Anna, l’homme, Luca, comédien italien. Tous deux, pour le scénario, sont comédiens et doivent jouer dans le film sur lequel travaille Anna. Luca a préféré rester à Paris que descendre avec toute la bande dans la villa. Or, on le voit très vite, c’est la mise en scène qui va primer au-delà d’un scénario dont les coutures sont parfois à gros points. De la mise en scène d’une descente aux enfers que Valeria Bruni Tedeschi joue aux limites de la folie. (Huma)

L’interview:

C’est un sujet dont j’ai déjà discuté avec plusieurs réalisateurs pendant cette Mostra, mais est-il difficile de mélanger fiction et réalité ?


Oui, mais dans le cinéma, tout est difficile, même quand on adapte un livre. Mon film est une adaptation de la vie, mais après, il faut savoir s’en départir. J’ai parlé à ma famille et découvert que leurs limites ne sont pas toujours les mêmes que les miennes. Donc oui, il y a des conflits, mais je viens d’une famille d’artistes et ma mère, quand on lui donne l’occasion de jouer un beau personnage, sera toujours d’accord pour le faire. Nous n’avons pas peur de l’art, il a toujours été très présent chez nous. Je joue avec la vérité, mais quand ma fille, ma mère et mes amis apparaissent dans le film, ils jouent des personnages fictionnels. Le seule vraie différence, c’est que j’ai déjà un passé avec eux, donc je n’ai pas besoin de tout construire de toutes pièces. 

Il y a cette idée, exprimée dans le film, qui dit qu’en tant qu’artiste, on a le droit d’être « voleur » ? Êtes-vous d’accord avec ça ?


Je n’appellerais pas ça voler. La condition humaine est tellement dure, qu’il est important d’essayer de voir un peu de lumière dans tout cela. Dois-je vraiment me sentir coupable de le tenter ? Je pense que je ne fais qu’observer les choses et que j’essaie ensuite de montrer ce que j’ai vu. Je ne prétends pas savoir comment résoudre le problème, ce qui est dommage ! J’adorerais que mon travail soit un processus thérapeutique dans le même temps. Pensez donc ! Gagner sa vie tout en s’aidant soi-même, ça serait tellement efficace ! Le truc, comme c’est dit dans le film, c’est que j’ai vraiment besoin de travailler. Pour moi, c’est comme respirer, ça me permet tout simplement de mieux fonctionner. Je travaille pour rencontrer des gens, et peut-être tomber amoureuse, mais pas parce que ça rend les choses moins douloureuses.

Le film est hanté par la présence d’un frère décédé. A-t-il été difficile d’intégrer cet élément de votre vie personnelle dans le film ?

Ces scènes-là ont été parmi les plus difficiles à tourner. Elles auraient facilement pu ne pas sonner vrai, mais je voulais avoir mon frère avec moi de nouveau (le vrai frère de la réalisatrice, Virginio Bruni Tedeschi, est disparu en 2006, ndla.]. C’est comme de voir de nouveau un vieil ami et crier : « Comment ça va ? Ça fait tellement longtemps que je ne t’ai pas vu ! ». Le cinéma a ce pouvoir, d’invoquer les morts. Il vous permet de vivre avec eux à vos côtés un petit peu plus longtemps. Et c’est ce qui fait que le cinéma est tellement magique.

Valeria Bruni-Tedeschi

dès sa naissance  baigne dans un milieu artistique grâce à un père compositeur et industriel et une mère comédienne et pianiste. Sa famille s’installe en France en 1973. Durant sa scolarité, Valeria suit des cours de théâtre et obtient ses premiers rôles à la télévision et au théâtre dès 1983.

 C’est en 1993 que son talent se révèle dans Les gens normaux n’ont rien d’exceptionnel, qui lui permet d’obtenir le César du Meilleur Espoir Féminin en 1994. Sa carrière démarre alors et elle  tourne pour de grands noms tels que Patrice Chéreau, Claude Chabrol ou Bernardo Bertolucci. Ses prestations sont plusieurs fois récompensées .

L’actrice s’essaie également à la réalisation : en 2002, elle réalise Il est plus facile pour un chameau… qui obtient le Prix Louis-Delluc du meilleur premier film en 2003. Ce succès encourageant l’incite à réaliser d’autres films : Actrices en 2007, récompensé par le prix spécial du jury Un Certain regard du Festival de Cannes 2007 et Un château en Italie en 2013. Valeria entretient une relation très forte avec sa demi-sœur Carla Bruni-Sarkozy.

Côté vie privée, Valeria Bruni-Tedeschi a été la compagne du comédien Louis Garrel de 2007 à 2012.