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Carine Tardieu (2025) France 1h45 Avec: Valeria Bruni Tedeschi, Pio Marmaï, Vimala Pons
Sandra, quinquagénaire farouchement indépendante, partage soudainement et malgré elle l’intimité de son voisin de palier et de ses deux enfants. Contre toute attente, elle s’attache peu à peu à cette famille d’adoption.
Un film émouvant, d’une délicatesse inouïe

Le profil de « gentil nounours » de Pio Marmaï contibue à créer de l’empathie avec le personnage, mais on remarquera que son travail (dans la banque) n’a aucune existence dans la fiction : le film n’abordera pas des questions aussi triviales que la difficulté de s’occuper seul d’un bébé quand on travaille à plein temps. Et que le seul babysitter qu’on voit soit un homme, est un autre pied de nez à la vraisemblance.
Il faut mettre au crédit du film la figure relativement inédite au cinéma, incarnée par Valeria Bruni Tedeschi, celle d’une femme investie dans son travail, célibataire sans enfant, et sans désir ni regret de maternité. Mona Chollet a exploré dans ses derniers ouvrages (Sorcières 2018, Réinventer l’amour 2021, Résister à la culpabilisation 2024) cette réalité sociale et les résistances de toutes sortes qu’elle suscite encore dans nos sociétés. Intellectuelle et féministe, Sandra accueille avec simplicité la demande d’affection du petit garçon et se montre capable d’aider le père, sans pour autant se tromper sur la nature de l’attachement de cet homme en deuil. Le scénario nous évite intelligemment la romance entre Alex et Sandra, mais aussi entre Sandra et Elliot. Même si leur rencontre est importante, elle ne remet pas en cause les choix de vie de Sandra,. Genevieve Sellier

le film, très beau, ne s’envisage pas comme un traité théorique sur l’attachement ici porté (entre autres) à, et par, un enfant, pour en livrer plutôt une vision généreuse (à l’image des Enfants des autres de Rebecca Zlotowski, et du Roman de Jim d’Arnaud & Jean-Marie Larrieu – dont Tardieu étend le champ bien au-delà des (beaux-)parents), rétive à tout catalogage (comment nommer le nuancier de sentiments animant les personnages, et le faut-il ?). Thomas Fouet
La réalisatrice
C’est en 1973 que Carine Tardieu voit le jour. Passionnée de livre et de cinéma, elle travaille, après une année de psychologie et une autre dans une école d’infirmières, comme scénariste notamment . Elle se lance dans la réalisation en 2002 et signe quelques court-métrages .
Son premier film sort en mars 2007 : La Tête à Maman. Ce long-métrage, qui traite avec douceur des rapports mère / fille adolescente, réunit entre autres Karin Viard, Kad Merad, Jane Birkin et Pascal Elbé. En 2012, elle dévoile sa deuxième réalisation Du vent dans mes mollets qui rassemble entre autres Agnès Jaoui, Denis Podalydès, Isabelle Carré et Isabella Rossellini. Outre le cinéma, Carine Tardieu est également auteur de livres pour enfants.
Toute la filmographie de Carine Tardieu est traversée par cette idée du lien, comme un fil rouge qu’elle déroule inlassablement, pour en révéler les couleurs chatoyantes et les nœuds invisibles, la douceur et la rugosité, la fragilité et la robustesse. Film après film, elle s’aventure un peu plus profondément sur ce terrain complexe et mouvant, la légèreté de ses premières œuvres, plutôt des comédies (La Tête de maman, Du vent dans les mollets…), laissant peu à peu la place à quelque chose de plus profond. Comme un voyage intérieur qui mène à la source, aux fondamentaux : l’amour profond, pur, comme une évidence brute entre deux êtres
L’interview
Carine, vous avez adapté de manière assez libre le livre d’Alice Ferney : L’intimité. Pourquoi avez-vous choisi ce livre et quels furent vos choix d’adaptation ?
Carine Tardieu : J’ai adapté ce livre car sa première partie m’a bouleversé. La première partie du roman raconte la rencontre entre Sandra, féministe, qui se veut indépendante et libre. Elle est cependant bouleversée par sa rencontre avec son voisin, père de deux enfants, et dont la femme vient de mourir. Le livre partait dans une autre direction, à peu près à la moitié, et c’est pour ça qu’il s’appelle L’Intimité. Il racontait le rapport de la société au corps des femmes, comment le corps des femmes est violenté, notamment autour des procès, ça parlait des accouchements et de la violence de l’accouchement, mais aussi de la GPA, des sujets qui m’intéressent dans l’absolu. Mais je n’aime pas faire des films à thème ou à thèse. Le livre est en lui-même une diatribe. Sur le moment, je ne pensais pas l’adapter, et puis un jour, Fanny Ardant est passée chez moi, a vu ce bouquin sur mon bureau et m’a dit qu’elle pensait qu’il était fait pour moi. Ça m’a intriguée, j’ai relu le livre et je me suis dit qu’elle avait raison, qu’il fallait que je m’attache à ce que qui m’avait vraiment plu, j’ai demandé l’autorisation à l’autrice de n’en prendre que la première partie, et de faire de Sandra le personnage principal. Ce qui n’est pas le cas dans le livre, où finalement, c’est plutôt le personnage d’Alex qui était au centre
Le film s’intitule L’Attachement, un terme propre à chacun. Quel est pour vous la signification de ce mot ?
Carine Tardieu : J’avais fait des études de psycho, très peu, au sortir du bac, j’ai le souvenir d’avoir étudié Bowlby, un théoricien de la psychologie de l’enfant, qui parlait de l’attachement en 4 étapes. Je ne me souviens plus des étapes, mais il dit qu’un enfant, pour se construire psychiquement dans les premiers mois de sa vie, doit avoir en face de lui quelqu’un qui lui apporte de l’affection. Tout simplement. Ce n’est pas tant de le nourrir, que de lui sourire, lui parler, pour qu’il puisse se construire. Il parle aussi d’un instant de survie, et cet instant de survie pour moi, c’est celui d’Eliott dans le film vis-à-vis de Sandra. La sensation que j’ai, c’est que l’amour arrive après l’attachement, ce que je dis n’est pas figé dans le marbre, mais j’ai la sensation qu’on peut s’attacher sans amour, on peut s’attacher à un objet, à un chien… J’ai l’impression qu’on peut s’attacher sans amour, mais on ne peut pas aimer sans s’attacher. Peut-être que je me trompe.