Margherita Vicario (2024) Italie 1h51 Avec Galatea Bellugi, Carlotta Gamba, Veronica Lucchesi
Dans un pensionnat de femmes à Venise à la fin du XVIIIe siècle, Teresa, une jeune femme visionnaire, avec un petit groupe de musiciennes, inventent un nouveau style de musique….
Un film solaire empli d’une joie irrépressible.

Le rythme est très juste, tandis que les querelles et la suspicion dont les jeunes femmes apprennent peu à peu à se défaire font place à des forces créatrices capables de transporter le monde. Il y a certainement des parties de Gloria! qui font convenues, le scénario étant très clairement structuré de manière à aller vers un moment où les conflits sont résolus…., mais pris dans son ensemble, le film reste une ode joyeuse aux innombrables compositrices effacées par l’histoire.
Et ce n’est pas tout : Gloria! prend un immense plaisir à émanciper ses personnages féminins pour en faire des femmes excédées par l’incompétence de certains hommes dans des positions de pouvoir, assez pour prendre elles-mêmes les choses en main, une aspiration délicieuse à avoir et une pure joie à partager avec un vaste public sur grand écran. Europa
GLORIA !« Gloria ! est dédié à toutes les compositrices qui, comme des fleurs mises à sécher, sont restées cachées entre les pages de l’Histoire. » Margherita Vicario Saviez-vous qu’au XVIIIe siècle en Italie, des jeunes femmes recueillies en orphelinat avaient la possibilité de recevoir une formation musicale d’élite, parfois dispensée par de grands noms tels que Vivaldi (excusez du peu !) ? C’était en particulier le cas dans les quatre Ospedali (orphelinats) de Venise, fiers de leurs Figlie di Choro (filles de chœur). Ainsi, à l’apogée de la splendeur de la Venise baroque du 18e siècle, les seules personnes qui pouvaient se permettre d’étudier la musique au plus haut niveau étaient les nobles et les orphelines ! La réalisatrice Margherita Vicario a été particulièrement intriguée par cette découverte lors de ses recherches sur la place des femmes dans la musique, d’hier à aujourd’hui. Elle-même musicienne de haut niveau, elle a retracé l’histoire des compositrices italiennes et européennes et découvert que, malgré leur excellente formation, ces artistes ne pouvaient pas faire de la musique leur profession. Ainsi, alors que les musiciens professionnels étaient formés dans les conservatoires masculins de Naples, les jeunes femmes des orphelinats vénitiens ne pouvaient aspirer qu’à un bon mariage ou à jouer toute leur vie pour la gloire de Dieu !Utopia
La réalisatrice Margherita Vicario
Née en 1988 à Rome, en Italie, elle est une actrice, musicienne et cinéaste italienne. Elle a produit son premier album, Minimal Musical, alors qu’elle suivait une formation d’actrice à l’Accademia Europea di Arte Drammatica de Rome. Son mémoire de licence s’est penché sur l’utilisation de la musique populaire par Brecht dans le théâtre politique. Après l’université, elle a étudié la méthode Dalcroze, une pratique éducative centrée sur le développement de la musicalité innée des enfants par le mouvement rythmique. Elle poursuit une double carrière d’actrice et de musicienne. En 2021, elle a dévoilé son deuxième album, Bingo, sous le label Universal. GLORIA! (2024) est son premier long métrage en tant que réalisatrice et scénariste.
L’interview
Dans Gloria !, vous montrez la joie que la musique peut apporter. C’est toujours ça que vous ressentez ?
Bien sûr. Ce n’est pas juste de la joie, c’est l’extase de la musique. Pour moi, c’est un sentiment vraiment puissant. La musique est une joie quand on est seul, mais aussi quand on est entouré d’autres personnes. J’aime jouer pour des gens, c’est vraiment bon, de pouvoir exprimer tous ces sentiments de cette manière.
Dans le film, quelqu’un dit : « Je chante mes pensées ». C’est tout simple, mais ça a beaucoup de sens.
Pour une auteure-compositrice, là est tout le secret. Bien sûr, dans la pop, on a souvent toute une équipe de gens qui travaillent ensemble sur la chanson parfaite, mais n’empêche, j’aime bien ça, quand on entend quelque chose et qu’on a l’impression de comprendre la personne qui l’a écrit.
Une de ses camarades de sessions nocturnes, Lucia, veut partager ses compositions avec leur enseignant, mais sa demande est immédiatement rejetée. Ce moment précis, quand on ne vous accorde même pas une chance, c’est une situation que vous reconnaissez ?
Bien sûr. Ça s’est produit au tout début de ma carrière. Quelqu’un m’a dit : « OK, je suppose que j’entends ce que vous faites ». C’est la chose la plus douloureuse, quand les autres pensent qu’ils savent déjà ce dont vous êtes capable et qu’on ne vous donne jamais de chance, sans raison apparente. L’histoire de la musique déborde de cas de ce type. Pour créer, il fallait être la fille de quelqu’un ou sa femme. Les compositrices ont fini par pouvoir connaître le succès, mais beaucoup les méprisaient tout de même.
Gloria ! parle aussi du fait que ces filles apprennent à travailler ensemble. Le film repose sur un socle de solidarité féminine, mais vous n’êtes pas non plus trop idéaliste par rapport à cette dynamique. Elles se disputent aussi.
J’ai des soeurs, et parfois on se déteste vraiment. Je pense qu’on est enfin en train de se débarrasser de l’idée que les femmes se jalousent entre elles. Ça peut arriver, bien sûr, mais les hommes contribuent à perpétuer cette croyance. Ça me paraît vieillot, ça ne m’intéresse pas. Quand j’étais jeune, je n’avais pas énormément d’amies femmes, mais plus je prends de l’âge, plus ça change. On se met à apprécier la sororité, c’est un lien vraiment fort.