Blandine Lenoir (2024) France 1h36 Avec:I zïa Higelin, Sophie Guillemin, Jean-Pierre Darroussin, Noémie Lvovsky, Éric Caravaca, Liliane Rovèr
Juliette, jeune dessinatrice qui sort à peine d’une dépression, s’installe chez son père séparée de sa mère, retrouve sa grande sœur mariée, mère de deux enfants, sa grand mère…. . Dans ce joyeux bazar, des souvenirs et des secrets vont remonter à la surface.
Un film choral, au casting merveilleux, que l’on regarde, sourire aux lèvres, et qui fait un bien fou

Le scénario est ciselé, l’ambiance est riche et changeante, au gré des humeurs et des sentiments, tantôt chaleureuse et émouvante, tantôt burlesque et poétique. L’interprétation est remarquable – chapeau à Sophie Guillemin, incarnant cette sœur, le personnage le plus riche du film, avec une impressionnante justesse, tant dans sa force que dans ses failles – et on quitte la salle avec un sentiment de tendresse pour toutes et tous ces humains fragiles qui nous ressemblent. utopia
La réalisatrice semble accompagner chacun de ses personnages d’un même contour bienveillant à les mettre en scène en faisant de leurs vulnérabilités des singularités qui sont autant de portes à ouvrir pour entrer en dialogue avec les autres. Comme de coutume, Blandine Lenoir rappelle qu’un individu est le fruit d’une construction sociale complexe dont la sociabilité la plus forte est notamment celle de la famille. Ainsi, interroger le fragile équilibre familial jusque dans ses secrets les plus enfouis, conduit aussi toujours à s’approcher au plus près de ce qui fonde la singularité de chacun et chacune. Dans ce registre, le film constitue un savoureux plaisir à rencontrer et interroger chacun des personnages où le potentiel tragique des histoires sous-jacentes est abordé avec la force énergique de l’humour et de l’autodérision. Cédric Lépine
La réalisatrice
Blandine Lenoir est actrice et réalisatrice. Elle fait ses débuts en tant que comédienne à l’âge de 15 ans, en jouant la fille du boucher dans Carne en 1991. La comédienne en herbe fait des études de lettres en grandissant. Elle obtient des rôles de plus ou moins grande importance sur grand écran par exemple dans Haut les cœurs de Solveig Anspach en 1999, Sauf le respect que je vous dois en 2005 de Fabienne Godet, ou La Vie Scolaire de Grand corps malade en 2019. À la télévision, l’actrice apparaît dans diverses séries à succès comme Maigret ou Famille d’accueil.
En parallèle de sa carrière de comédienne, Blandine Lenoir développe un gout de la réalisation en occupant différents postes sur des tournages tels que costumière, décoratrice, ou en charge de castings. Elle réalise dès 2000 quelques courts métrages avant d’aborder le long avec Zouzou, dans lequel elle joue, en 2015, puis Aurore en 2017 et en 2022, Annie colère Laure Calamy étant des trois films.
l’interview
Pourquoi avoir choisi d’adapter le roman graphique de Camille Jourdy au cinéma ?
Blandine Lenoir : Pour de nombreuses raisons ! Celle qui surgit la première est sans doute l’envie de parler de la famille, un sujet universel qui me passionne. Celle que Camille Jourdy proposait était magnifiquement dessinée – dans tous les sens du terme – avec des personnalités très complexes. À travers cette adaptation, je voyais aussi une occasion de représenter la masculinité comme la féminité de manière un peu différente de ce que nous avons l’habitude de voir. Mais ce qui m’a définitivement emportée, mon coup de cœur total, ce sont les pages où elle a dessiné les scènes d’amour entre les personnages de Marylou et Adrien [incarnés par Sophie Guillemin et Thomas de Pourquery à l’écran – ndlr] dans les serres du jardin. J’avais la sensation de ne jamais en avoir vu de telles au cinéma. C’est ce qui m’a donné envie de les mettre en scène.
Quel a été votre plus grand défi au cours de l’écriture du scénario avec Maud Ameline ?
Mon intention a été de pousser tous les curseurs. Mais il s’agit d’un type de film très dur à structurer car nous passons d’une émotion à l’autre, du rire aux larmes en permanence. Je l’avais déjà expérimenté dans Aurore. Il faut une structure très rigoureuse, car on rend le spectateur très poreux à l’émotion. Si on pousse trop loin l’humour, il n’aura plus envie d’être ému et si on va trop dans l’émotion, il n’aura plus envie de rire. L’apport de Maud a été essentiel de ce point de vue. Une fois le film terminé, certains de ses premiers spectateurs m’ont confié qu’ils pensaient que les comédiens improvisaient. Je peux vous assurer que ce n’est pas le cas ! Juliette au printemps est un film très bavard sur des gens qui n’arrivent pas à parler. Donc tout ce qu’ils disent revêt une importance essentielle et est calibré au mot près.
En parlant de représentation, vous filmez souvent Juliette en train de dessiner. Il y a même une séquence animée. Bien sûr, elle est illustratrice, mais accorder une telle place au dessin ne relève pas seulement… de l’illustration, a priori. Est-ce une façon de relier votre film au travail graphique de Camille Jourdy ? Ou de nous parler autrement de Juliette ?
Dans la bande dessinée de Camille Jourdy, Juliette n’avait pas de métier. J’ai eu cette envie d’en faire une illustratrice pour différentes raisons. Bien sûr, c’est d’abord une façon d’introduire Camille dans le film, et j’avais envie de filmer ce crayon qui se déplace et avance sur le papier. Assister à l’apparition du dessin est assez magique. Mais c’est aussi un outil scénaristique précieux : ces moments de dessin sont importants car ce sont ceux durant lesquels Juliette est calme, apaisée. On la voit faire poser ses proches, une façon pour elle de mettre en scène sa famille, de les représenter autrement, de se les approprier, mais aussi de leur parler. Car le nœud de l’affaire, c’est qu’ils ont tous beau- coup de mal à exprimer leurs sentiments. Cela passe donc
plus par les images que par les mots entre eux ! C’est aussi pour ça que j’ai eu cette idée de fabriquer un film animé par Charlie Belin, avec les dessins de Camille pour le cauchemar de Juliette. Ainsi, on est complètement avec elle.