Yim Soon-rye ( 2018) Corée du sud 1h43 Avec: Tae-ri Kim, Jun-yeol Ryu.
Après un échec scolaire et une rupture amoureuse, Hye-won, part se ressourcer dans la maison de campagne où elle a grandi. Fera t’elle la paix avec elle-même dans le froid de l’hiver.
Un cinéma délicat qui vous met en appétit et en émotion

Ce qui surprend en premier lieu dans Petite forêt, c’est l’importance qui y est accordée à la nourriture, particulièrement soignée par la mise en scène – un véritable fantasme Instagram ! -, mais qui prend par la suite un sens plus profond puisque c’est à travers elle que peut se rétablir un lien mère / fille, exposé dans une longue série de flash-back, qui s’était émoussé avec le temps. La nourriture est également intrinsèquement liée à une fascination du film pour la nature. Celle-ci est magnifiée par une splendide photographie aux lumières des plus chaleureuses et qui fait ressortir visuellement l’aspect doux et solaire de l’œuvre. Certaines séquences, avec l’utilisation récurrente de la voix-off ainsi qu’une inclination marquée pour les plans fixes, rappelleraient presque la simplicité charmante de certains films d’animation asiatiques. Ce caractère de la mise en scène se retrouve également dans l’écriture. Petite forêt se focalisant énormément sur des éléments simples, il revêt un aspect assez innocent – presque enfantin, du moins adolescent – qu’il ne renie jamais. Dès lors cette proposition de bonheur simple et sans grande prétention se transmet au spectateur, qui ressort avec le sourire de ce film à ranger quelque part entre le cinéma de Yasujirô Ozu et le récent Asako I & II de Ryûsuke Hamaguchi, le ton doux-amer de ce dernier en moins. fiche cinéma

Petite forêt est un long métrage particulièrement mignon et visuellement séduisant. La bienveillance du regard de la réalisatrice, sa façon de filmer la nature comme les nombreuses scènes de cuisine font l’effet d’un câlin dans ce long métrage également porté par son cast. A sa tête, Kim Tae-Ri, la révélation de Mademoiselle réalisé par Park Chan-Wook. Elle incarne avec énormément de charme l’héroïne à qui elle donne un subtil mélange de candeur et de charisme. Polyester
La réalisatrice
Yim Soon-rye a commencé sa carrière en France en publiant une thèse – Étude de Kenji Mizoguchi » – 1992. C’est cet attachement au film d’auteur qui reste une ligne directrice de toute sa carrière jusqu’à Petite Forêt. Ses premiers films, Three Friends et Waikiki brothers, mettent en scène des marginaux, chômeurs et musiciens, qui ont entre eux de relations complexes, et lui apportent un succès d’estime.

Elle est connue aussi pour son engagement et réalise de nombreux films militants sur les sujets qui lui tiennent à cœur. Elle travaille notamment avec la commission des droits de l’homme pour Fly, Penguin, un film en quatre parties qui abordent des questions telles que les discriminations au travail, les persécutions contre les végétariens, le machisme du système traditionnel coréen. Elle dirige également une société de protections des animaux, un aspect qu’on retrouve dans Sorry, Thanks, où quatre réalisateurs explorent la relation entre les humains et leurs animaux de compagnie.
Tous ces thèmes se retrouvent et se mélangent dans ces films » commerciaux « , pour lesquels elle est connue du grand public. Forever the moment (4 millions d’entrées) combine le dynamisme et la rapidité d’un film de sport traditionnel (médaille d’argent de l’équipe féminine de Handball) avec les questionnements des athlètes féminines victimes de discrimination dans leur sport, et affrontant divorce, dette et stérilité dans leur vie personnelle. Dans Whistle Blower, elle dresse le portait, à travers une enquête journalistique, du professeur de biotechnologie qui a acquis une renommée internationale en 2004 après avoir affirmé avoir mené avec succès des expériences sur le clonage thérapeutique humain.
L’interview
Votre film est une adaptation d’un manga de Igarashi Daisuke. Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette histoire ?
Tout d’abord j’aime la nature, et c’était pour moi l’occasion de la filmer évoluer aux gré des quatre saisons. Je trouve que le cinéma est actuellement trop violent et je souhaitais réaliser une histoire plus douce et apaisée.
Comment s’est déroulé l’adaptation du manga en film ? Et comment avez-vous traduit les éléments japonais du manga dans la Corée contemporaine ?
Concernant les plats, l’auteur du manga Igarashi Daisuke ne souhaitait changer aucun des recettes présentes dans son œuvre, pas plus qu’il ne souhaitait changer le titre du film. Je me suis dit que ce n’était pas possible de faire ainsi. J’ai donc trouvé des recettes coréennes qui correspondaient aux japonaises dans le manga. J’ai modifié un autre aspect du scénario. Dans le manga, la mère de la jeune héroïne quitte très tôt la maison familiale. Hye-won, l’héroïne, a à peine 13 ans quand sa mère l’abandonne. En Corée c’est très mal vu, du coup on a retardé son départ à la fin de ses études secondaires. En Corée, il peut être considéré comme dangereux pour une jeune femme de vivre seule à la campagne. Du coup dans l’adaptation coréenne, ses amis viennent souvent la rencontrer, elle a un chien de garde et sa tante vit à proximité. Je voulais montrer qu’il est difficile aussi pour des jeunes de survivre dans les grandes villes.
J’ai l’impression que les personnages dans vos films ont souvent du mal à trouver leur place dans la société. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce type de personnages ?
J’aime bien en effet les personnages de marginaux. Dans la société française, les personnes que l’on peut qualifier de « anormales » sont beaucoup moins discriminées socialement. En Corée en revanche, on est discriminé si on travaille moins bien à l’école, si on va dans une université moins cotée. Je m’intéresse surtout à ces personnes, somme toute normales, mais discriminées parce qu’elles ne rentrent pas dans les cases. En Corée, si vous n’êtes pas diplômé, vous n’avez pas d’argent, vous n’êtes pas soutenu par le système. En Corée, si vous êtes différent, il est très difficile de vivre, vous êtes désavantagé.