Fabienne Godet (2025) France 1h42 Avec: Salif Cissé, Denis Podalydès, Aure Atika
Baptiste, imitateur de talent, devient le ‘répondeur’ de Pierre, romancier de talent, en se faisant passer pour lui au téléphone… Peu à peu, Baptiste ne se contente pas d’imiter l’écrivain : il prend des initiatives…!
Un film drôle, tendre et parfois vertigineux sur le mensonge

Sur une trame de pur boulevard, Fabienne Godet a imaginé une comédie de situations tout à fait consciente de son extravagance qu’elle s’emploie à banaliser avec finesse. Le récit repousse l’émergence du quiproquo au profit d’une observation des rôles où le portrait sensible se double d’une étude sociale.
En quelques rôles secondaires, Salif Cissé vu dans » Juliette au printemps » de Blandine Lenoir) a imposé ses rondeurs et sa douceur dans un cinéma français qui n’a pas fini de décliner son irrésistible persona de nounours lover. Bleu du miroir
les deux coscénaristes parviennent à insuffler une réflexion plutôt habile sur le poids du numérique dans notre entourage, tout en dévoilant les fragilités de personnages moins sûrs d’eux qui n’en ont l’air, de l’écrivain célèbre en quête d’anonymat à l’humoriste de stand-up rêvant de gloire, en passant par la peintre doutant de ses talents esthétiques. Fabienne Godet précise ainsi dans le dossier de presse : « La première partie de ce travail a été de me demander pourquoi cette histoire me touchait, de clarifier en quoi elle résonnait avec mes propres interrogations ou obsessions. Cette étape a été fondamentale car elle a guidé les choix que nous avons faits ensuite, avec Claire. Nous avons donc resserré l’intrigue autour de la relation Baptiste/Pierre Chozène. Les thèmes de la rencontre qui bouleverse une vie, de la transmission, se retrouvent dans la plupart de mes films précédents. Mais cette fois-ci, j’ai choisi le ton de la comédie. Une comédie sociale et contemporaine. » Les ruptures de ton sont pourtant nombreuses et plutôt réussies ; les dialogues travaillés, sans abus de mots d’auteur. Avoir à lire

Sorte d’ange gardien un peu maladroit, Salif Cissé est le vrai rayon de soleil du film, touchant et espiègle, l’acteur trouvant ici un beau premier rôle. Autour de lui gravitent Denis Podalydès (Pierre, qui retrouve du temps pour vivre et nous régale en observateur complice), Aure Atika (Clara, lumineuse) et la jeune Clara Bretheau (Elsa, véritable révélation du film, à laquelle on finit par s’attacher). S’il faut cependant attendre d’avoir passé la première demi-heure pour que la comédie prenne enfin forme et adopte un rythme réjouissant, on en appréciera l’optimisme forcené qui rend l’ensemble touchant, en affichant de manière joliment amorale le mensonge comme un facteur de générosité et de changements positifs. Une réussite inattendue qu’on ne peut que conseiller en ces périodes de névrose, où les relations humaines se réduisent souvent à de stériles tensions.Olivier Bachelard
La réalisatrice

Fabienne Godet est née en 1964. Originaire d’Angers, elle se lance d’abord dans des études de psychologie. Une fois son diplôme obtenu elle travaille dans le milieu médical, spécialité santé mentale. Elle suit des études de cinéma et d’audiovisuel pendant son temps libre et commence à tourner des courts-métrages, et un documentaire Le Sixième Homme en 2004.L’année suivante, tout bascule : à la suite d’un licenciement, la réalisatrice en herbe décide de se lancer définitivement et passe au long format avec Sauf le respect que je vous dois. Il s’agit d’un drame qui s’inspire directement du vécu de la cinéaste, très marquée par sa dure expérience dans le monde du travail et sa violence, qu’elle montre à travers le parcours du personnage incarné par Olivier Gourmet. Ce premier essai est un succès critique ce qui incite Fabienne Godet à persévérer. C’est ainsi qu’en 2009 le documentaire Ne me libérez pas je m’en charge voit le jour. Cette fois c’est sa fascination pour la problématique de l’enfermement qui semble avoir dicté le sujet : le film dresse le portrait de l’ancien braqueur Michel Vaujour, véritable professionnel de l’évasion.En 2013, c’est le retour à la fiction pour la cinéaste qui signe Une Place sur la terre, une histoire d’amour cette fois, avec Benoît Poelvoorde. Suivront Nos vie Formidable, Si demain et Le Répondeur
Dans ces films elle met en scène les relations humaines de personnages fragiles ayant du mal à être eux mêmes.
L’interview
QUELLE DIRECTRICE D’ACTEURS ÊTES-VOUS ?
La direction d’acteur, c’est d’abord et avant tout pour moi, une grande confiance réciproque. Concrètement, je ne fais jamais de répétitions à proprement parler avec les comédien.ne. mais j’aime discuter avec chacun.e de leur personnage, avant le tournage. Le scénario était très écrit mais nous prenions le temps chaque matin de discuter de la scène à jouer et de sa mise en espace. Nous avons aussi parfois fait des improvisations. J’aime que le plateau soit un espace vivant où l’on réinterroge le scénario même si la comédie est un exercice de style qui se doit d’être rythmée et que la marge de manœuvre reste mince face à cette contrainte. J’ai passé évidemment beaucoup plus de temps avec Salif qui est de tous les plans ou presque et qui porte le film sur ses épaules
BAPTISTE MULTIPLIE EN EFFET LES IMITATIONS. VOUS AVEZ FAIT APPEL À TROIS IMITATEURS. COMMENT SE SONT-ILS RÉPARTIS LES RÔLES ?
Salif a d’abord travaillé avec Michaël Gregorio pour se rapprocher de la voix de Denis. Mais je souhaitais que le personnage de Baptiste ne soit pas seulement un imitateur de voix parlée mais aussi un imitateur de voix chantée. Ce qui n’est pas le cas dans le livre. Salif a donc travaillé et a été coaché par trois imitateurs différents qui ont chacun leurs spécificités.
C’est Fabian Le Castel qui fait les voix de Columbo, Sarkozy, Chirac mais également de Johnny et Bashung. Eklips est
derrière la voix des morceaux de rap, et Michaël Gregorio interprète Michel Berger ainsi que la chanson « Moonlight in Vermont » Certaines chansons sont des choix personnels qui ont été faits en concertation avec les imitateurs et Salif car il fallait qu’il se sente à l’aise, qu’il ait aussi très envie d’interpréter ces chansons. Par exemple, il tenait particulièrement à la chanson « Diego ».
LA PERFORMANCE DE SALIF CISSÉ EST ICI EXTRAORDINAIRE…
Ce que vous voyez à l’écran est le résultat d’un travail énorme de Salif. Il a d’abord dû apprendre chaque chanson pour
pouvoir l’interpréter en live devant un public mais il a aussi travaillé la gestuelle, indispensable pour être crédible.
Idem pour les voix. On le voit notamment dans ses imitations de Sarkozy ou Le Pen. L’imitation passe aussi par le corps.