Jean-Jacques Beineix (1981) France 1h57 Avec: Wilhelmenia Wiggins Fernandez, Frédéric Andrei, Jacques Fabbri
Un jeune postier amoureux du bel canto réalise un enregistrement pirate d’un concert donné par une diva. Sa passion et un hasard malencontreux vont provoquer une chasse à l’homme dont il est la proie.
Romanesque, une ambiance fascinante, une mise en scène sublime, un film culte

Une ambiance mêlant émotions liées à l’écoute de la musique classique, portrait de personnages pittoresques pris dans l’engrenage d’un polar décalé, et plans tarabiscotés (audace pour les fans de Beineix, esbroufe pour ses détracteurs). Plus de quarante ans après sa sortie, ce film de mode a pris certes quelques rides (les subtilités des vidéocassettes et les vols de vinyle chez des disquaires branchés n’impressionnent plus personne) mais reste attachant, narrativement efficace, tout en étant désormais doté d’un potentiel nostalgique qui est la marque des anciens succès. Qualifié un peu trop rapidement à l’époque de cinéaste publicitaire, à l’instar de Luc Besson puis, à un moindre degré, Leos Carax, Beineix tentait en fait de greffer une certaine « qualité française » à l’esprit en liberté de la Nouvelle Vague, tout en proposant une french touch très ancrée sur les eighties.
La bande sonore du film joue également un rôle crucial dans son succès. Mêlant habilement l’aria « Ebben? Ne andrò lontana » de l’opéra « La Wally » d’Alfredo Catalani à des compositions électroniques modernes de Vladimir Cosma, elle contribue à créer une atmosphère unique, à la fois classique et contemporaine. Cette fusion audacieuse des styles musicaux reflète parfaitement l’ambition du film de transcender les frontières entre la culture « haute » et la culture populaire.
« Diva » aborde également des thèmes profonds et intemporels, tels que la quête de l’authenticité dans un monde de plus en plus dominé par la technologie et la reproduction mécanique. Le film explore les notions d’art, de passion et d’obsession, tout en offrant une réflexion sur la société française de l’époque, en pleine mutation technologique et culturelle Le monde du polar
Le réalisateur

Jean-Jacques Beineix débute comme assistant-réalisateur de Jean Becker sur la célèbre série télévisée Les saintes chéries (1964-1967) puis sur Le Cinéma de papa de Claude Berri en 1970. Il demeure assistant-réalisateur pendant une dizaine d’années, auprès de René Clément pour La Course du lièvre à travers les champs (1971) ou de Claude Zidi sur L’Animal par exemple en 1977.
Son premier long métrage, Diva, réalisé en 1980 connaît un succès populaire couronné de quatre César en 1982. Son deuxième film La Lune dans le caniveau malgré sa sélection au festival de Cannes en 1983 sera un échec. En 1984, à la lecture du manuscrit de Philippe Djian, il décide de réaliser 37°2 le matin dont l’actrice principale est Béatrice Dalle, jusqu’alors inconnue. Le succès du film et son interprétation la propulsent au rang de star. Il choisit Isabelle Pasco pour incarner le rôle-titre de Roselyne et les Lions en 1989 mais sans succès.
En 1992, c’est au tour d’IP5 de connaître la débâcle : la mort brutale d’Yves Montand au cours du tournage nourrit l’insidieuse rumeur qui accuse Jean-Jacques Beineix de ne pas avoir assez ménagé l’acteur. Cette polémique pénalise le film, qui est encore une fois un échec commercial. Très affecté par ces circonstances, Beineix ne tournera plus de longs métrages pendant une dizaine d’années et se dirigera vers la réalisation et la production de documentaires pour la télévision.
En 2001, après neuf ans d’absence au cinéma, il réalise Mortel Transfert avec Jean-Hugues Anglade et Hélène de Fougerolles, tentative de retour avorté qui est un échec critique et commercial complet. À l’automne 2006, il publie ses mémoires, Les Chantiers de la gloire,
En 2015, il réalise sa première mise en scène théâtrale au Lucernaire, à Paris, inspirée de la vie de Kiki de Montparnasse. . En 2020, il publie son premier roman : Toboggan, couronné par le prix des lecteurs du magazine Notre temps, chronique d’un amour déçu qui ressemble beaucoup à une confession autobiographique et « dans lequel il fait part d’une réflexion sans concession sur le sens de sa vie et les liens entre l’amour et l’art. » Jean-Jacques Beineix meurt à son domicile parisien le 13 janvier 2022 à l’âge de 75 ans ,
Que dit Beineix de Diva
Beineix explique que Diva met en scène un affrontement entre la pureté (Jules, la musique, la cantatrice) et un univers corrompu (les gangsters, les intérêts économiques, la violence).
Pour lui, la beauté n’est pas décorative : elle est une force morale, un moyen de se tenir debout face à la vulgarité ambiante.
Contrairement à ce que les critiques ont dit à l’époque, il affirme que son esthétique baroque n’est pas gratuite.
La couleur, la lumière, les décors servent à exprimer le rapport des personnages au monde — notamment la manière dont Jules voit la chanteuse ou Paris. La stylisation est, pour lui, une éthique du regard, pas un effet de mode.
Diva n’est ni un manifeste esthétique ni un exercice de style : c’est une œuvre sincère, guidée par le désir.car Il dit qu’il n’avait aucune stratégie, seulement une intuition forte qu’il fallait « oser ». Cette liberté explique, selon lui, l’énergie singulière de Diva.