Frédéric Tellier (2022) France 2h02 avec Gilles Lellouche, Pierre Niney, Emmanuelle Bercot
France, milite activement contre l’usage des pesticides. Patrick, avocat parisien, est spécialiste en droit environnemental. Mathias, lobbyiste brillant défend les intérêts d’un géant de l’agrochimie. Ces trois destins, vont s’entrechoquer et s’embraser
Un formidable trio de comédiens en tête d’un pur film de dénonciation, populaire et haletant.
Patrick, Lucie, Mathias, Margot, France, Paul, Zef, Vanec… Totalement investis sous la caméra précise, sans esbroufe, de Frédéric Tellier, emmenés par un Gilles Lellouche et un Pierre Niney absolument impeccables, les comédiens campent une galerie de personnages plus que crédibles : familiers. Leurs histoires entrecroisées tissent la trame d’une histoire qui est clairement la nôtre. Pour mémoire : le glyphosate est, depuis 2015, considéré comme « cancérogène probable » par l’OMS. Emmanuel Macron, qui s’était engagé pour une interdiction du glyphosate « au plus tard dans trois ans », a reconnu avoir « échoué sur ce sujet ». La Commission européenne avait accordé en 2017 une autorisation de cinq ans pour son utilisation, qui expire en décembre 2022. Comme dans le film, les industriels qui le fabriquent ont déjà demandé son renouvellement. Goliath est un thriller passionnant, une œuvre chorale épatante – et un film d’utilité publique.utopia
Frédéric Tellier s’inspire davantage du format de l’enquête journalistique en nous faisant pénétrer dans différents milieux pour illustrer, avec un réel souci d’exactitude, la collusion entre les grandes firmes industrielles et le pouvoir politique, ainsi que les stratégies et moyens de pression mis en œuvre pour occulter les informations d’intérêt public…..Il n’est pas anodin que l’issue du conflit ne soit pas déterminée par la mobilisation citoyenne, impuissante à faire contrepoids à l’influence des lobbys et à imposer sa vérité, mais par le seul accès de mauvaise conscience d’un insider, ébranlé par ces drames au point de livrer au grand public des documents confidentiels accablants pour son employeur. Constat pessimiste : à l’heure des whistleblowers, il faut toujours le choc des images, une certaine amplitude du son, pour faire vaciller le géant. Si Tellier a choisi son camp, en plaçant la caméra au plus près des victimes, comme pour se pencher par–dessus leur épaule et accompagner leurs élans, tout en filmant les lobbyistes plus frontalement, sa mise en scène du coup de force a pour elle, quelque part, les armes de Goliath. Sylvain Blandy
Goliath » fait plusieurs constats accablants. D’abord, le temps de la justice n’est pas le temps du capitalisme. Dans un monde où les entreprises ont de l’argent et ont l’habitude d’aller vite, la lenteur des procédures et le temps d’analyse des dossiers empêche toute action. Les lobbys l’ont bien compris. Ces derniers étirent au maximum le temps judiciaire pour briser toute motivation. Les arrangements financiers font souvent le reste.
« Goliath » montre aussi que la vérité scientifique est une notion souvent assez floue. Comme pour le glyphosate, la Tétrazine du film fait l’objet d’études prouvant tout et son contraire. Ce flou sert les intérêts des entreprises. Le temps qui passe fait le reste, les affaires sont oubliées et de nouveaux évènements chassent les autres. Le Goliath du film, c’est Phytosanis. Un géant français de l’agrochimie aux moyens illimités et capable de pourrir des procédures malgré les cas sanitaires nombreux, scandaleux avérés (cancers, malformations infantiles). Le film souligne que la vérité est désormais improuvable sous l’action de lobbys aguerris à l’exercice de la désinformation Stanislas Claude
Frédéric Tellier
Dans un premier temps il réalise clips et publicités. Les choses s’accélèrent en 2003, lorsqu’il collabore avec Olivier Marchal, 36 Quai des Orfèvres. Il poursuit avec des téléfilms Il reste dans le domaine policier en 2006 avec trois épisodes de la série Un flic.
En 2013, il signe son premier long métrage pour le cinéma avec L’Affaire SK1. Ce thriller primé avec le très demandé Raphaël Personnaz se centre sur la traque du tueur en série Guy Georges dans les années 1990.
Fort de ce succès, Frédéric Tellier poursuit avec le drame Sauver ou périr dans lequel Pierre Niney se glisse dans la peau d’un pompier de Paris qui, lors d’une intervention, se sacrifie pour sauver ses hommes. Sortira en novembre 2023 « L’abbé Pierre, une vie de combat » avec Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Michel Vuillermoz
Paroles de réalisateur
Moi, ce qui me tue, c’est comment des hommes dits civilisés peuvent, au nom du profit, provoquer autant de tragédies en mentant éhontément. Je ne me sens porte- étendard de rien mais je crois, pour l’avoir vécu, qu’un film peut bouleverser une vie. Et c’est ce qui m’a animé pour faire de Goliath un film de combat. »
J’adore comme spectateur quand un film ne me donne pas tout tout de suite. Je voulais qu’on fasse connaissance avec les personnages avant le sujet. Car ils sont la porte d’entrée du récit. On peut en adorer certains, en détester d’autres, changer d’avis en cours de film. Je n’impose rien. Je donne des outils pour que chacun se crée son propre puzzle. »
Je m’inscris davantage dans un courant qu’on a pu connaître en France avec Yves Boisset, Costa- Gavras ou le I comme Icare de Verneuil. » Comme le symbolise la présence dans un second rôle, essentiel au récit, de Jacques Perrin, acteur et producteur de Z. « Pour moi, c’est le Roi des cinéastes, des producteurs et des acteurs engagés. Et j’ai voulu lui confier un personnage de repenti qui a été du mauvais côté des choses mais en a pris conscience et s’en est détourné. Le sage de l’histoire car il a déjà tout vécu et sait l’échec inéluctable de certains combats que va consulter l’avocat que joue Gilles. » Et Perrin a immédiatement accepté. « Quand il m’a expliqué que ce rôle incarnait tous les combats de sa vie au cinéma, ça m’a bouleversé. Et à l’écran, je trouve que Jacques trimballe avec lui tous les personnages qu’il a pu incarner et qui ont nourri mon envie faire un jour du cinéma en général et Goliath en particulier. » Comme une boucle qui se boucle. En majesté.