« Noces de sang » samedi 19 novembre 21h

Carlos Saura (1981) Espagne 1h12 Avec Antonio GadesCristina HoyosJuan Antonio Jimenez d’après Federico Garcia Lorca

Dans les coulisses d’une salle de spectacle une troupe de danseurs répète un ballet. La représentation commence. Dans un petit village, on fête des noces. A la fin de la cérémonie, la jeune épousée s’enfuit avec Leonardo, un homme marié qu’elle a toujours aimé. Accompagné de quatre cavaliers, l’époux bafoué part à la recherche des fugitifs…

Un drame poétique conté sans un mot, par la magie de la danse, du cinéma‚ de la musique et du chant d’Andalousie, l’expérience du sublime !

Carlos Saura et sa caméra nous entraînent dans un ballet où mains et bras expriment les sentiments profonds des personnages. Des plans larges aux plans serrés, le réalisateur passe ensuite à la vision subjective d’un homme guidé par sa passion, cherchant sa bien-aimée parmi la foule. Sa façon de filmer nous laisse deviner la colère de la mère du fiancé, le désespoir de la femme de Leonardo puis la détermination de l’homme bafoué.

Mais plus que nous raconter une histoire en images, Carlos Saura accompagne les corps des danseurs, leurs mouvements, les traits de leur visage qui tantôt grimacent tantôt s’illuminent. Chaque prise de vue sert à nous faire vivre le spectacle au plus près.Ce talent unique pour filmer la danse diffère des plans larges ou froids que l’on observe bien souvent chez les autres réalisateurs. Carlos Saura épouse la chorégraphie et parfois même la sublime. Tout amoureux de la danse sera admiratif. Et tout néophyte sera subjugué…Charlotte Loisy

Si nous ressentons une pareille émotion, si nous adhérons tellement au spectacle, c’est parce que Saura, en choisissant de filmer une répétition et non la représentation (ce qui suppose un autre code, un autre jeu, un autre cadre que cette salle vide, mais créant une dimension par un des murs couvert de glaces), prend, lui aussi, le parti de l’authenticité. Il va chercher les danseurs en des plans serrés, les quitte et retourne vers eux, les traquant, ou il s’éloigne, élargissant le champ, produisant la respiration et permettant d’introduire le groupe, utilisant toutes les possibilités de l’espace. Il nous fait pénétrer dans le temps de la danse et nous laisse une impression de totale plénitude. Les fiches du cinéma

Carlos Saura

Né en 1932, il est issu d’une famille bourgeoise libérale. Il débute ses études dans l’ingénierie, mais après avoir étudier la mise en scène, il réalise des courts métrages. Politiquement engagé à gauche, ses choix d’études illustrent son intérêt pour les problématiques sociales.

C’est en visionnant les films de Bunuel que Carlos Saura décide de devenir réalisateur. Diplômé en 1957, il devient enseignant en cinématographie, une carrière qu’il devra arrêter en 1963 sous la pression du gouvernement franquiste. Ses films mettent en scène les Espagnols en marge de la société (Los Golfos), et dénoncent dans d’autres la frustration de la bourgeoisie espagnole due à l’idéologie conservatrice et nationale-catholique du régime (La Chasse et Anna et les loups). Ses positions en vers le régime passent par des métaphores et des paraboles, notamment du couple et de la famille, des sujets qui lui sont proches. Leader espagnol des cinéastes de sa génération grâce à La Chasse présenté au festival de Berlin en 1965 par lequel il obtint l’Ours d’Argent de la mise en scène, il acquière une réputation internationale. Malgré cette reconnaissance, la censure reste présente et certains films, comme La cous/ne Angélique, suscitent de violentes réactions de la part du public espagnol.

Après la mort de Franco, le réalisateur s’axe vers un genre plus léger, qualifié par lui-même de « tragicomédie », dans Maman a 100 ans. En 1981 il renoue avec le film-enquête avec Vivre vite, un film où Carlos Saura pose un regard sceptique sur la société de l’après franquisme. La même année, il accepte de travailler sur le projet d’un film musical, Noces de sang, avec le chorégraphe de flamenco Antonio Gades, qui sera une vraie réussite artistique et populaire comme le sera Carmen deux ans plus tard. Spécialiste de la danse dans son travail photographique, Carlos Saura s’éloigne des problématiques politiques pour mettre sa caméra au service du spectacle vi¬vant et rendre visible le mécanisme de création. En 2010 sort son film, Flamenco flamenco où Saura s’amuse à mélanger plusieurs arts : danse, peinture, musique et cinéma. En 201 3, il tourne un film sur Picasso lors de la création de Guernica, 33 d/as, avec Antonio Banderas.

Loin de se cantonner au statut de réalisateur subversif et grand critique de la fin du Franquisme, dont la vigueur se serait amoindrie avec la chute du régime, Saura reste bien l’un des « auteurs » majeurs du cinéma moderne espagnol des années 60-70. Le réalisateur invente un monde intérieur, baroque et fantasmatique, qui flirte parfois avec le fantastique, et oscille entre la fantaisie, le grotesque, la noirceur des pulsions humaines, et les embrouillaminis de l’inconscient. Géraldine Chaplin, est le faciès formidable de son univers : enfantine et tragique, hystérique ou fragile, d’une extrême malléabilité expressive. Elle reste malgré sa mélancolie une bouffée de fraîcheur qui vivifie la première partie de l’œuvre – une suite de films très audacieux qui cultivent souvent les huis-clos fantasmagoriques, théâtres des aliénations de toutes sortes, conjugales, sociales et politiques.