Une comédie musicale de Hugo Chesnard (2009) France 21 mins Avec Ricky Tribord, Pauline Etienne, Patrick Catalifio
La France qui se lève tôt” est inspiré d’une histoire vraie. Souleymane Bagayogo vivait en France avec son épouse et leur enfant depuis plusieurs années déjà quand les autorités ont décidé de l’expulser. Le réalisateur raconte cette histoire en musique : érigé en instance morale, le chœur pose des questions au spectateur et le met face à un choix.
Le film aurait pu être un documentaire, c’est une fiction étonnante au caractère social et critique, à la forme atypique, celle d’une comédie musicale diablement contemporaine.
L’hypocrisie du système judiciaire, l’aveuglement de la police, la solitude et les brimades des sans-papiers, les combats perdus d’avance, le malaise des uns, l’agressivité des autres, … : toutes ces réalités forcément très prenantes imprègnent le film de Chesnard. « La France qui se lève tôt » évite néanmoins d’entrer dans la caricature et le pathos, car son auteur prend de la distance avec les faits réellement survenus (voir interview) et se joue du réalisme grâce à plusieurs astuces scénaristiques. Pour contraster avec un fond déjà très chargé émotionnellement, il imagine une forme en apparence légère : le film apparaît comme une opérette sociale, les dialogues sont construits en vers, le labeur est chorégraphié et le parlé-chanté s’exprime qu’on soit étranger, flic ou touriste.
l’interview du réalisateur
Ne craignais-tu pas que ton message se déforce en passant par la comédie musicale ?
Ça a pu être une crainte à l’écriture et même avant le tournage. Je me suis dit que l’idée d’une comédie musicale sur les sans-papiers était peut-être une mauvaise idée, que ça n’allait peut-être pas marcher. Au fil du tournage, on a quand même vu de belles choses, de supers plans, une intensité dramatique. Comme on a tourné le film en continu, on a terminé le tournage dans l’avion avec des figurants qui étaient des militants sans-papiers.
Est-ce que Souleymane Bagayogo a vu ton film ?
Oui, il l’a vu, il l’a beaucoup aimé. Il s’est retrouvé dedans sans s’y reconnaître complètement. On a gardé le prénom en hommage à lui mais des Souleymane, il y en a plein, il y a plusieurs dizaines de milliers d’expulsions de sans-papiers par an. On a raconté une histoire, mais beaucoup de libertés ont été prises par rapport à ce qu’il lui est arrivé. Ce qu’il a connu était encore plus dramatique. Il m’a raconté une anecdote : quand il était dans le centre de rétention, il était dans un tel stress qu’il n’arrivait plus à porter ses bras à sa bouche pour manger, il se nourrissait donc à même l’assiette. Quand je te disais tout à l’heure que je voulais raconter son histoire en version réaliste, qu’est-ce que j’avais dans mon scénario ? Des cris, des pleurs, de la douleur, une famille impuissante, des passages à tabac, un mec paralysé qui bouffe à même l’assiette, une expulsion musclée, … C’est tellement dur à chaque seconde que ça ne se tient pas d’un point de vue cinématographique.