« L’échiquier du vent » lundi 24 janvier 20h30 en partenariat avec Objectif-Sud

1976 Mohammad Reza Aslani Iran 1h41 Avec Fakhri Khorvash, Mohamad Ali Keshavarz, Akbar Zanjanpour

Suite à la mort de son épouse, Haji Amou, projette de se débarrasser de sa belle-fille, Petite Dame, héritière en titre de la fortune et de la belle maison luxueuse dans laquelle ils vivent.

C’est la résurrection d’un chef d’œuvre perdu du cinéma iranien ,un film miraculé, une perle rare qu’il ne faut surtout pas rater. L’Échiquier du vent a été réalisé en 1976 et à l’époque, il n’a été projeté que deux fois à l’occasion du Festival de Téhéran. La première projection fut littéralement sabotée et la seconde , le lendemain, la salle était quasiment vide, Le film a été retiré de la compétition par le jury qui n’avait pu en voir que trente minutes sombres et incompréhensibles. Et dans la foulée, les bobines ont été confisquées.
Longtemps considéré comme perdu , le film a été retrouvé par hasard chez un brocanteur. Mohammad Reza Aslani a pu ainsi retrouver sa création et, grâce aux soins et aux talents conjugués de la Film Foundation de Martin Scorsese et de la Cineteca de Bologne, en superviser la restauration.

La plupart du temps latente et contenue, la violence n’éclate que lors de deux séquences d’une force inouïe. La musique traduit la tension en introduisant des hurlements de loups ou de hyènes scandés par une rythmique entêtante. Elle vient libérer les dérèglements en sommeil et atteindre le spectateur jusque dans son échine.utopia

Avec son atmosphère de conte gothique où l’influence de la peinture rejaillit sur chaque plan, L’Échiquier du vent est un splendide jeu de massacre, un tour de force visuel au confluent de l’esthétique viscontienne et bressonnienne. Multipliant les rebondissements, sons cénario ose même s’affranchir de la chronologie, une
première pour un film iranien.À travers le récit de cette lutte pour la richesse et le
pouvoir, Mohammad Reza Aslani livre une critique sociale et culturelle puissante, anticipant la révolution de 1979 et dessinant avec clairvoyance l’échec social et
économique de l’Iran à travers ses personnages finement caractérisés et merveilleusement interprétés.extrait du dossier de presse

Le film sidère moins qu’il affecte durablement le regard et l’esprit. Plutôt que de chercher à tout prix à surprendre par le biais d’effets de rupture, Mohammad Reza Aslani module l’atmosphère de son huis-clos à travers une langueur qui finit par ployer sous son propre poids. Le petit jeu de massacre qui s’organise sous nos yeux tire sa force de la continuité sereine qui l’anime. En ce sens, la véritable horreur provient de l’intérieur et rappelle les drames de chambre d’Ingmar Bergman. On retrouve ici le même intérêt pour le dénudement des visages qui apparaissent comme autant de façades lézardées par le passage du temps. Cloisonnés entre les murs d’une demeure poussiéreuse, les protagonistes rêvent de lendemains qui se heurtent aux cloisons de leur tombeau, aspect que renforce les quelques regards caméras qui traversent le film, motif qui prend moins à partie le spectateur qu’il révèle la triste lucidité de ces êtres prisonniers d’un espace-temps incertain. Jacques Demange

MOHAMMAD REZA ASLANI


Né en 1943, Mohammad Reza Aslani est un poète, graphiste, scénariste,
théoricien et réalisateur iranien. Diplômé de l’université des beaux arts et de l’école de cinéma de Téhéran, Aslani commence à travailler d’abord en tant que chef décorateur à la télévision iranienne où il rencontre Fereydoun Rahnema, poète et cinéaste, grâce à qui le jeune Aslani fait son premier court-métrage documentaire/expérimental, La Coupe Hassanlou, en 1964. Rahnema envoie le film à Henri Langlois qui réagit positivement et le projette à la Cinémathèque française, ce qui permet à Aslani d’avancer dans sa carrière de cinéaste
.

Jusqu’en 1975, Mohammad Reza Aslani se fait remarquer en tant que scénariste de films d’auteur. En parallèle, Aslani continue à réaliser d’autres courts-métrages documentaires et de fiction, notamment La Caille : le garçon qui demandait (1970) avec un style proche de l’esthétique des films de Bresson. Cela lui vaut la réputation de cinéaste ‘‘trop intellectuel’’ et son cinéma est critiqué comme ‘‘impopulaire’’ à cause de sa distance
avec l’esthétique du cinéma iranien dominant : une étiquette qui allait miner la suite de sa carrière. Aujourd’hui, grâce à la redécouverte de son premier long-métrage
L’Échiquier du vent (1976), Aslani est considéré comme l’une des plus importantes figures du cinéma d’auteur iranien
.

La question au réalisateur

D’où vient le personnage de Petite Dame ? Est-elle très étrange pour le début du XXe siècle ?


C’est une aristocrate et à l’époque, durant la révolution constitutionnelle, il y a eu des mouvements féministes et les femmes de cette couche sociale étaient les seules à savoir lire et donc étaient parmi les premières féministes iraniennes. […] Petite Dame est une dame lettrée, porte des lunettes, lit des livres, et c’est pour ça qu’elle est une femme différente. À l’époque, toutes les femmes lettrées étaient considérées comme différentes et si on n’arrivait pas à les faire taire, on les tuait. […]