En partenariat avec le cinéma JC Carrière entrée 5 euros
Mikhail Kalatozov (1958) Russie 1h37 Avec Tatiana Samoilova, Aleksey Batalov, Vasili Merkuryev Image : Sergueï Ouroussevski
Moscou, 1941. Veronika et Boris sont éperdument amoureux. Mais lorsque l’Allemagne envahit la Russie, Boris s’engage et part sur le front. Mark, son cousin, évite l’enrôlement et reste auprès de Veronika qu’il convoite.

Kalatozov a l’intelligence d’aller à l’essentiel et de toujours coller aux destins de Boris et de Veronika du début (ensemble) à la fin. Il varie aussi les genres, surprenant toujours le spectateur : ici une séquence romantique, là des scènes de guerre, un moment horrifique lors d’un bombardement, un futur idéal projeté sur des arbres fleuris… Quand passent les Cigognes cherche toujours à exploiter de nouveaux horizons tout en gardant son histoire en fil rouge. Le récit ralenti par moment puis accélère brutalement, pris d’une frénésie soudaine aussi folle que violente. Finalement, ce rythme colle parfaitement à l’histoire proposée et même à la vie en général : des moments de calme brutalement mis en pièces par des événements soudains où le temps semble devenir fou.
Le ton du film est aussi pour beaucoup dans son succès. Tour à tour romantique, juvénile, sombre, angoissant, lyrique et tragique, Quand passent les cigognes parvient à prendre aux tripes et à faire ressentir à la fois l’horreur de la guerre, la veulerie d’un cousin amoureux et lâche mais aussi la force intérieure puis extérieure de Veronika, la figure centrale du film. (bleu du miroir)
Quand passent les cigognes est ainsi un des premiers films soviétiques où un personnage féminin très complexe domine l’action. L’importance du personnage de Véronika pour le succès du film en France tient probablement surtout à la forte médiatisation de son interprète, phénomène tout à fait inédit pour une actrice soviétique. Formée à l’École d’art dramatique de Moscou selon les principes du célèbre metteur en scène Stanislavski, Tatiana Samoïlova devient ainsi la première star soviétique.
Ce film est une pure mélodie. Les cigognes apportent la sérénité dans le ciel moscovite et donnent des ailes à un cinéma qui était sclérosé par la folie d’un seul homme (dvdclassik)

Le cinéma du dégel –donc après 1956 – va affirmer la place de l’individu. De ce point de vue, ce film est effectivement exemplaire, il est tout ce qu’on n’aurait pas pu faire avant, puisqu’au lieu de dire que la guerre est l’occasion pour chacun de se sacrifier pour le bien commun, on dit que la guerre est un grand malheur, qui brise les destins. Cette inversion est essentielle.
Eugénie Zvonkine, enseignante-chercheuse à Paris VIII, spécialiste de l’histoire du cinéma russe et soviétique auteure des sous titres de cette version remastérisée .
« Nous trouvons tout ici : la profondeur du champ et les plafonds d’Orson Welles, les travellings acrobatiques d’Ophüls, le goût viscontien de l’ornement, le style de jeu de l’Actors Studio. » Éric Rohmer
Mikhaïl Kalatozov

Né à Tiflis (Tbilissi) de nom géorgien Kalatozishvili, commence par être opérateur et acteur au cinéma. En 1932, son film « Le clou dans la botte »est interdit. Pour pénitence, Kalatozov est réduit à des tâches administratives dans l’industrie cinématographique. Cette mise au pilori va se prolonger jusqu’en 1939, date qui marque le début de la deuxième guerre mondiale et « l’ascension » de Kalatozov en tant qu’Administrateur en chef de la production cinématographique soviétique. De 1941 à 1945, il est attaché culturel à Los Angeles et découvre le cinéma américain de King Vidor et de Vincente Minnelli, des auteurs qui auront une grande influence sur sa manière de traiter le mélodrame. Vice-ministre du cinéma de l’URSS. Le prix Staline de 2e classe lui est décerné en 1950, pour le film « Le Complot des condamnés ». Kalatozov remporte la Palme d’Or du Festival de Cannes en 1958, avec Quand passent les cigognes. Son film Soy Cuba (1964 ) traitant de la révolution cubaine est oublié puis redécouvert dans les années 1990. Il meurt le 27 mars 1973 à Moscou.
Sergueï Ouroussevski
est né à Saint-Pétersbourg. Très jeune, il s’intéresse au cinéma mais est encore plus passionné par la peinture et entre dans une école des Arts et Techniques de Léningrad puis à l’Institut des Arts décoratifs de Moscou dont il sortira diplômé en 1935. Dès 1932 il affirme son intention de devenir opérateur pour le cinéma. C’est avec Poudovkine, qu’il aura sa première expérience cinématographique. Chef-opérateur de génie, Ouroussevski se rendit célèbre dans le monde entier avec le film de Kalatozov « Quand passent les cigognes » où il fit preuve d’une audace photographique inédite. Il renouvela ses prouesses techniques comme chef-opérateur de Kalatozov dans « Lettre inachevée » et dans « Soy Cuba ». Il mit par ailleurs son talent au service de nombreux réalisateurs soviétiques, tels Donskoï, Raïzman, Poudovkine, Tchoukhraï (« Le quarante et unnième ») Il devint lui-même réalisateur dans les dernières années de sa vie.