« La vie invisible d’Euridice Gusmao » de Karim Aïnouz Mercredi 5 Février 21h15 entrée gratuite

Ce long-métrage à l’image soignée de Karim Aïnouz conte les destinées contrariées de deux sœurs tôt séparées, sur fond de domination patriarcale.

Le film est incroyablement beau, sa lumière (signée de la grande Hélène Louvart), ses couleurs, ses cadres et textures, et toujours à la limite de la faute de goût que le mélo exige, dans la crudité des humeurs et l’excès coloré. Fleuve vulgaire et romanesque, charriant de tout, des grains de sable, des vies de ruisseau, des sentiments de roman-photo, les violences du sexe non désiré et la tragédie des vies minuscules. Camille Nevers (Libération)

Sachant que La Vie invisible… est une adaptation de roman (celui, du même nom, de Martha Batalha), qui plus est « en costumes », toute crainte est très vite balayée d’avoir affaire à une reconstitution appauvrie ou un film avalé par ses décors et ses habits. C’est même l’inverse, il est décuplé par eux : les images ont une qualité picturale qui s’impose élégamment, sans effets de manches factices ……… Les intérieurs chargés de meubles, tous de bruissements et reflets d’étoffes, de textures riches et de teintes profondes et éclatantes, de l’émeraude au bleu horizon ou au vermillon, le tout agencé et cadré avec un soin d’orfèvre, évoquent la Renaissance et les peintres flamands et magnifient la fraîcheur de la peau des sœurs, les lignes de leurs cous ou de leurs bras, et les jolis gestes complices, un peu impertinents, joueurs, qui accompagnent leurs interactions verbales pleines d’un tempérament que le monde autour d’elles, petit à petit, brisera. Bénédicte Prot

Karim Aïnouz descend d’une famille d’origine algérienne. Après des études d’architecture et de peinture en passant par la photographie, Il se spécialise dans le cinéma expérimental. Après avoir assisté sur certains tournages quelques réalisateurs, comme Todd Haynes Il réalise des courts-métrages , des documentaires qui seront remarqués. Son premier long-métrage Madame Satã (2002) explore la figure mythique de Joao Francisco dos Santos, un bandit noir et homosexuel du début du XXe siècle à Rio. Suivront Le Ciel de Suely (2006) ainsi que Viajo porque Preciso, Volto porque Te Amo, co-réalisé avec Marcelo Gomes (en) (2009), La Falaise argentée (2011), Praia do Futuro (2014),

Son long métrage La Vie invisible d’Eurídice Gusmão remporte le prix Un certain regard au Festival de Cannes 2019. Le film est censuré par les autorités brésiliennes8.

Également plasticien ses installations sont régulièrement exposées

Quelles ont été vos inspirations avant de commencer à travailler sur ce film ?

Cela a commencé par une expérience très personnelle. J’ai perdu ma mère en 2015. Elle avait 85 ans. C’était une mère célibataire et ça n’avait pas été facile pour elle. Je sentais que son histoire et celle de nombreuses femmes de sa génération n’avaient pas été assez racontées – elles étaient en quelque sorte invisibles. C’est à cette époque que mon producteur, Rodrigo Teixeira, m’a fait lire le scénario de « La vie invisible de Eurídice Gusmão ». Je m’en suis tout de suite senti très proche. Les personnages du livre me rappelaient ma mère et sa sœur, ainsi que beaucoup de femmes de ma famille.
C’était aussi un retour à mon premier film, qui est le portrait de ma grand-mère et de ses quatre sœurs. C’était une histoire qui célébrait ces femmes, documentant leur joie, leur douleur, et la solidarité qui les unissait. J’ai senti qu’il était temps de reparler d’elles, non plus sous la forme d’un documentaire, mais d’un mélodrame.
J’ai toujours voulu faire un mélodrame, mais je voulais qu’il soit pertinent et actuel. Comment le rendre contemporain ? Je voulais créer un film qui soit émouvant et ample comme un opéra, avec des couleurs fluorescentes et saturées, qui soit excessif et plus grand que la vie. Partir du genre et en faire un film très personnel. Je voulais réaliser un mélodrame tropical.