« Tetro » lundi 6 décembre 20h30

Francis Ford Coppola 2009- USA- 2h07 Avec Vincent Gallo, Alden Ehrenreich, Carmen Maura

Tetro est un homme sans passé. il y a dix ans, il a rompu tout lien avec sa famille pour s’exiler en argentine. À l’aube de ses 18 ans, Bennie, son frère cadet, part le retrouver à Buenos aires. Entre les deux frères, l’ombre d’un père despotique, illustre chef d’orchestre, continue de planer et de les opposer.Mais, Bennie veut comprendre à tout prix. Quitte à rouvrir certaines blessures et à faire remonter à la surface des secrets de famille jusqu’ici bien enfouis. …

La jubilation qui parcourt le film vient de ce qu’on avait perdu de vue l’habitude de voir, en toute plénitude, des personnages saisis en pleine mise en scène d’eux-mêmes. Le raté magnifique, le frère passeur, le père monstrueux, la famille des ogres, sans parler de la démente critique littéraire diva baptisée Alone , ce ne sont pas (seulement) des personnages. Ce sont des mises en scène qui s’affrontent. Le monde selon Coppola ne serait que mise en scène, gestes. (Libe)

Ce film-là déroute, parce que, à la différence des œuvres les plus célèbres de Coppola, il se situe moins dans le tape-à-l’œil que dans le contre-jour (le film est en noir et blanc à l’exception de flash-back en couleurs), moins dans l’exhibitionnisme et l’artifice que dans la pudeur. Du côté de Tennessee Williams, de Michael Powell (auquel le cinéaste rend hommage dans une scène inspirée de ses Contes d’Hoffmann), de Faust, de la danse et du théâtre, de la réflexion sur la création et sur les secrets, les démons intimes, plutôt que basé sur des considérations commerciales. (Le Monde)

Entre les deux frères et derrière eux : un secret, des drames, un manuscrit incomplet, caché et codé. De terribles histoires de rivalité et d’humiliation, dignes d’une grande famille d’artistes. La saga avance à la fois au présent, dans ce quartier bohème de Buenos Aires, et à coups de flash-back. Et c’est un régal de symétries et de rimes, où un accident renvoie à une collision passée, une trahison à une blessure plus ancienne, et la fratrie d’aujourd’hui à celle de la génération précédente. La chambre d’écho est le style même du film, délicatement tramé de citations cinéphiles, Kazan (pour la sensualité incestueuse en noir et blanc), Michael Powell (pour des réminiscences « opératiques » autour des Contes d’Hoffmann), et jusqu’à Almodóvar. Car l’apparition de Carmen Maura en grande prêtresse excentrique de la littérature ressemble à un hommage au spécialiste du mélo déconstruit, où l’art donne des clés pour la vie. Soit, exactement, le genre de Tetro.(Télérama)

Paroles du réalisateur

 » … J’ai vécu les sentiments et les rivalités que je dépeins à l’écran, mais l’histoire du film n’a rien à voir avec la mienne. Par exemple, mon père Carmine était un compositeur talentueux, certainement trop centré sur lui-même pour être un artiste accompli, mais c’était un homme très doux, un père merveilleux : tout l’inverse de celui que je décris dans le film ! Tetrocini est dans la tradition des patriarches dépeints par Tennessee Williams, dans « Doux oiseau de jeunesse » ou « La Chatte sur un toit brûlant », ou par d’Eugene O’Neill dans « Le désir sous les ormes » : une figure paternelle tout sauf biblique, que nous devons affronter puis finalement détruire. Depuis la nuit des temps, nous sommes tous censés être en compétition avec les mâles dominants de notre famille, comme c’est aussi le cas dans le règne animal. Je suis et je resterai toujours influencé par ces immenses auteurs de théâtre, parce que je les ai étudiés avec passion et que mon premier élan artistique était de devenir dramaturge. « 

Francis Ford Coppola

Atteint à l’âge de dix ans de la poliomyélite et perdant ainsi l’usage de son bras gauche, Francis Ford Coppola apprend très vite à développer son imagination : durant sa convalescence, il met en scène des marionnettes, regarde beaucoup la télévision et réalise ses premiers films amateurs en 8mm. En 1960, il entre au département cinéma de l’UCLA (University of California, Los Angeles) et Roger Corman lui permet de réaliser son premier long métrage : Dementia 13.

Ensuite il écrit plusieurs scénarios dont Propriété interdite de Sydney Pollack et Paris brûle-t-il ? de René Clément. Le succès arrive en 1972 avec la réalisation du film culte Le Parrain qui lui permet ensuite de mettre en scène une œuvre plus personnelle : Conversation secrète, qui remporte la Palme d’Or au Festival de Cannes en 1974. Suivent le deuxième volet du Parrain et Apocalypse Now. pour une seconde Palme d’Or. Après la réalisation de Coup de cœur en 1982, Coppola doit faire face à de très gros soucis financiers. Il enchaîne ensuite avec diverses réalisations de qualité mais sans grandes retombées, parmi lesquelles Cotton club (1984).

Il faut attendre le troisième et dernier volet du Parrain, pour que Coppola retrouve une renommée artistique, critique et commerciale, lui permettant de sauver sa société American Zoetrope. En 1993, il réalise Dracula, puis adapte en 1997 un roman de John Grisham, L’Idéaliste, Près d’une décennie s’écoule avant que le cinéaste ne repasse derrière la caméra avec L’Homme sans âge. Dans l’intervalle, Coppola – avec sa société American Zoetrope – reste néanmoins un producteur influant. Il produit entre autres les films de sa fille Sofia (Virgin suicides, …..) et de son fils Roman . En 2009, il fait son retour dans le cinéma d’auteur avec Tetro, etTwixt en 2011.